Les premiers parcmètres

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 353, mai-juin 2011

Un souci majeur apparaît pour les municipalités dans les années cinquante : la circulation automobile et son corollaire, le problème du stationnement. En 1955, le parc automobile français s’élève à 3 800 000 véhicules. Au début de 1959, il compte 5 730 000 unités, soit un accroissement de 50 % en 4 ans ! D’une voiture pour 13 habitants, on est passé à une pour 9. La marge de progression est encore très large… Aux États-Unis, une voiture circule pour 2,6 habitants.

Les centres urbains n’ont pas été construits pour une telle affluence. Quelle solution adopter pour fluidifier le stationnement ? On observe l’invention de Carl Magee, mise en place à Oklahoma City en 1935 : le parking-meter, ou compteur de stationnement, installé le long des trottoirs. Son développement est rapide en Suède, au Danemark, en Allemagne, mais la France n’y croit pas. Le compteur encombre les trottoirs, et légalement la taxe de stationnement ne peut alors être levée que si elle ne porte pas atteinte au droit des riverains. Lyon s’est depuis longtemps orienté vers des emplacements réservés à des abonnés (1926), Paris utilise le disque de stationnement.

En 1959, la plupart des villes ne souhaitent pas s’engager vers le stationnement payant, par crainte d’indisposer les automobilistes déjà pressurés par diverses redevances, notamment la vignette automobile instituée en 1956. On s’efforce donc de restreindre le temps de stationnement en centre ville. À Angers, il est limité à une heure à l’intérieur des boulevards en octobre 1959, et à 30 minutes pour les rues Franklin-Roosevelt, Bressigny, Beaurepaire et Saint-Lazare. Le terme de zone bleue n’est employé qu’à partir du 25 septembre 1961, avec le disque de stationnement.

 

Mais la zone bleue n’est efficace qu’au prix d’une surveillance permanente très onéreuse. Après avoir abandonné au stationnement la moindre place, la Ville songe à créer un parking payant pour éviter l’asphyxie du centre. On pense l’établir en 1965 en contrebas de la place Mondain-Chanlouineau (emplacement actuel de Fleur d’Eau). Finalement, c’est dans la cour de la gare que le premier parking payant d’Angers voit le jour fin 1966, avec 70 places environ. L’usager paye auprès d’un monnayeur fourni par la Société anonyme française des appareils automatiques, qui a équipé les parkings des aéroports d’Orly, du Bourget et de Nice. La redevance est fixée à 3 francs pour 48 heures de stationnement. Le tarif est le même pour 24, 48 ou 72 heures ! C’est que le monnayeur n’est pas encore très perfectionné… Les débuts ne sont pas parfaits. L’appareil ne rend parfois que deux pièces sur trois. Certains usagers utilisent de fausses pièces. Mais le système se rode et donne rapidement satisfaction. Le parking est amorti en l’espace de trois ans.

Le 27 février 1967, le conseil municipal fait un pas de plus en décidant de convertir le centre de la place Freppel en parking payant, à la demande de l’association des commerçants, par la voix de Roland Gabez, son président, propriétaire de la Galerie Ménagère, place du Ralliement, qui veut éviter les voitures-ventouses. Il s’agit de permettre aux acheteurs de se déplacer. C’est donc place Freppel que sont installés les premiers parcmètres, en forme de sucettes, mis en service le 1er août. Le journaliste du Courrier de l’Ouest fait la « fine plume » : « Les parcmètres, puisqu’il faut user de ce mot composé, contre toutes les traditions de la langue française, les compteurs de temps de stationnement, dirons-nous », écrit-il dans son article du 31 juillet. Le tarif est de 0,50 F de l’heure, de 8 h à 20 h. Les appareils, de la firme allemande Kienzle, ont été fournis par leur distributeur local, Hubert Guiheux, 64 boulevard du Roi-René, spécialiste en électricité automobile, également chargé de leur entretien. Le mouvement est enclenché : la place Lorraine en 1968, les places Saint-Éloi, Maurice-Sailland et Molière en 1969 sont transformées en parking payant… Mais cette politique est encore insuffisante face à l’accroissement du parc automobile. Aussi la Ville projette-t-elle un vaste parking souterrain, place du Ralliement. Il est inauguré le 14 avril 1972.