Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 393, octobre 2015
Le camping vient d’Angleterre et le mot apparaît en France en juillet 1903 dans un article du journal L’Auto qui vante cette culture britannique de la vie en plein air. En 1910, le Camping Club français (CCF), premier club de ce genre en France, voit le jour. Deux ans plus tard, le Touring Club de France développe une section « camping ». Angers produit du matériel de camping. La grande entreprise de filature et cordages Bessonneau affiche à son catalogue une stupéfiante tente-manteau : manteau le jour, tente la nuit. Elle vend de nombreux modèles de tentes et des remorques de camping « Gitane », mais n’est pas la seule : le garage Guillet, rue Paul-Bert, propose aussi des remorques, de tous modèles, « depuis celle, si coquette, note le journal L’Ouest du 14 juin 1925, qui permet au touriste d’emporter son matériel de « camping » jusqu’à celle destinée à être attelée aux camions ».
Premiers projets
C’est vers 1937 que l’on se préoccupe pour la première fois, semble-t-il, de créer un terrain de camping à Angers. Michel Prieul, membre de l’Union touristique « les Amis de la nature », soumet au maire un projet de terrain près de la rue de Létanduère, sur le « nouveau boulevard » (futur boulevard Eugène-Chaumin). Il se serait trouvé aux environs de l’actuelle rue Abel-Ruel, derrière la roseraie municipale d’alors. Cette demande ne connaît pas de suite.
Une nouvelle lettre sur le sujet est adressée au maire en novembre 1943, cette fois par le secrétaire départemental de l’Union française des associations de camping (UFAC), Raymond Gilet. Il demande que le terrain environnant la tour de la Haute-Chaîne soit dévolu à l’association : « Il ne me semble pas, écrit-il, que la présence éventuelle de quelques tentes de campeurs puisse nuire au cachet pittoresque de l’endroit bordant les dépendances familières d’un bateau-lavoir. Ce petit square pourrait être entouré d’un treillage mécanique là où la clôture reste inachevée. » La question de l’eau potable et des WC serait réglée facilement par la présence, de l’autre côté du pont, d’un édicule de sanitaires établi sur le champ de foire. Ce nouveau projet n’aboutit pas non plus.
Au parc de la Haye
Après la Seconde Guerre mondiale, le camping se développe de plus en plus. En 1948, on recense à Angers plus de deux cents adhérents au Camping Club de France. Roger Moisdon, journaliste au Courrier de l’Ouest, fait l’éloge de ce mode de vie, dans un article du 18 août 1948 :
« Le camping est hygiénique pour le corps humain, mais l’esprit y trouve aussi son compte, car c’est un art de savoir camper. Il faut se débrouiller dans cette manière de vivre toute simple : une tente pour maison, une toile imperméable pour plancher, un sac de duvet en guise de lit, un petit réchaud, une bougie au lieu de l’électricité, une batterie de cuisine et un service de table des plus sommaires, un sac pour emporter tout cela, quand l’envie vous prend de voir un autre ciel. C’est tout ».
Un an plus tard, les Angevins ont leur camping, créé par la section de Maine-et-Loire du Camping Club de France, avec l’assentiment de municipalité, et dans quel cadre ! Il est inauguré le 10 juillet 1949, au parc de la Haye. L’adjoint au maire André Jaulin et Arthur Dandalle, ingénieur paysagiste directeur des Parcs et Jardins de la Ville, assistent à l’inauguration. Le terrain est situé sur la commune d’Avrillé, derrière la maison du gardien du parc, avenue Émile-Savigner, en face du boulevard Geoffroy-Martel. Pins, chênes, rocaille et dénivelés pittoresques, vue sur l’étang Saint-Nicolas : une vingtaine de tentes y sont installées. Le 17 juillet, un groupe de touristes du Nord profite du Rallye international de Fontainebleau pour visiter l’Anjou et campe au parc de la Haye. C’est un endroit enchanteur qui a tout de suite beaucoup de succès, d’autant qu’il est gratuit. En 1956, le délégué du Camping Club de France s’étonne de cette gratuité. La qualité du terrain mériterait une contribution modique. Il s’étonne aussi qu’il soit laissé sans véritable gardiennage, ce qui occasionne la présence de quelques indésirables. Le terrain est « fort connu », ajoute-t-il à l’adresse du maire, « puisque j’ai eu l’occasion de rencontrer très souvent des Anglais, des Allemands, des Belges et même des Canadiens de passage ». Il conseille, pour sa meilleure tenue, de faire adopter un règlement, une surveillance, une tarification, en un mot « une souple discipline ».
Un second camping ?
Mais certains jugent le terrain trop éloigné du centre de la ville, ce qui rend le ravitaillement difficile. Le 17 janvier 1950, le conseiller municipal Jean Sauvage propose qu’un camping soit aménagé sur les bords de la Maine. L’organisation centrale des camps et auberges de jeunesse pour la région Loire-Océan avait obtenu l’accord du maire, lors d’un entretien le 21 janvier 1949, pour la création d’un terrain sur l’ancien emplacement du SCO nautique, quai Félix-Faure, devant l’usine d’électricité. Le projet n’est adopté par le conseil municipal qu’en juillet 1954. Il est lié à la création d’une auberge de jeunesse, pour laquelle le cabinet Mornet et Samain conçoit en 1955 un bâtiment à l’architecture très simple et minimaliste.
Cette même année, l’entreprise Bessonneau adresse à la municipalité un modèle de tente pour un projet de « village de toile ». Deux, trois ou quatre personnes peuvent y loger très confortablement. Le sous-directeur commercial ajoute : « Si, comme nous l’espérons pleinement, la Ville d’Angers retient notre modèle, nous avons l’intention de baptiser celui-ci : Pavillon Ville d’Angers ». Mais ni le camping des bords de Maine, ni l’auberge de jeunesse associée, ni le village de tentes ne voient le jour.
Reste le camping du parc de la Haye. Il bénéficie en 1956 d’aménagements supplémentaires : WC, douches, buanderie, clôtures. Car son succès va croissant : une soixantaine de tentes en août 1956. Une nouvelle maison de gardien y est édifiée en 1961. Mais la demande de confort se développe. Et le parc de la Haye n’offre pas de douches chaudes, pas de salle de repassage, pas de prises individuelles d’électricité, pas de bassin de natation pour les enfants, ni d’espace couvert pour les jeux de société. Il n’offre que la splendeur de la nature, jusqu’à la création du camping du Lac de Maine en 1982, suivant les normes nouvelles de confort. Celui du parc de la Haye ferme en 1988.