Le premier journal municipal

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 361, mars 2012

Années soixante. Angers entre dans la modernité : rénovation urbaine, nouveaux quartiers, industrialisation, équipements sociaux et sportifs… La démographie explose : 94 000 Angevins en 1946, 128 500 en 1968.

Les débuts de la communication municipale

La municipalité de Jacques Millot, puis de Jean Turc met en oeuvre un ambitieux programme de développement et veut le faire savoir. Elle va apprendre à communiquer. La communication est un terrain d’action nouveau pour les municipalités. Au départ, la Ville n’a pas l’initiative. Elle est contactée par diverses sociétés qui offrent leurs services.

Déjà la municipalité de Victor Chatenay avait souscrit à la proposition de la société parisienne "Aurore publicité". Moyennant force annonces publicitaires, elle avait offert en 1957 un numéro du Moniteur municipal, la première revue française des informations de la cité, consacré à Angers. C'était une sorte de bulletin touristique où l'information municipale, mis à part un article sur les musées, était réduite à deux pages, avec la composition du conseil et l'adresse des principaux services. Les lois sociales nationales formaient le reste du bulletin, qui s'achevait sur le calendrier des fêtes de l'année.

L’Union des villes et pouvoirs locaux propose en 1962 d’éditer gracieusement un bulletin périodique ou un répertoire, dont les frais seront couverts par la publicité. Jacques Millot demande avis au syndicat d’initiative de l’Anjou qui le dissuade de répondre positivement : « Le document envisagé représente beaucoup plus un support publicitaire qu’un recueil de renseignements utiles. On trouve en effet des publicités sur près de 50 % de l’ouvrage… » (lettre du 10 mars 1962 – Arch. mun. Angers, 1634 W 51). Décision est prise d’éditer plutôt un plan-guide d’Angers, depuis trois mois à l’étude au syndicat d’initiative, avec la collaboration de l’école régionale des beaux-arts. On est encore loin d’un journal d’information.

Cependant, l’idée progresse. Deux autres sociétés contactent la mairie : l’Agence régionale d’éditions officielles, à Saint-Affrique (Aveyron) en mai 1963 et les Éditions Krug (Paris) en août, chacune pour proposer un « Bulletin officiel municipal » ou un « Informateur municipal ». Cela ne semble pas répondre aux ambitions municipales d’une édition « sérieuse ». Trop de publicités probablement. Cette fois, la Ville prend des contacts par elle-même, avec Inter-régies publicité, à Paris. Mais celle-ci décline la proposition : « Les frais qu’entraînerait une édition sérieuse telle que vous le souhaitez ne seraient pas couverts par la publicité » (22 octobre 1963).

Après quelques mois de réflexion, la municipalité annonce le 29 juillet 1964 dans Le Courrier de l’Ouest qu’elle a décidé de publier en octobre-novembre prochain un bulletin municipal distribué gratuitement. C’est finalement l’Agence régionale d’éditions officielles qui en est chargée. Elle amortira ses dépenses d’imprimerie au moyen de la publicité. Le maire demande donc que le meilleur accueil soit réservé aux délégués de la société et insiste sur « l’intérêt de cette publication entreprise pour favoriser l’essor et le bon renom de la ville et de l’Anjou ».

Une publication rétrospective

Il faut attendre le premier trimestre 1965 pour voir paraître le « Bulletin officiel municipal n° 1, revue d’information municipale, économique et touristique diffusée gratuitement ». 76 pages, dont plus de la moitié (40 pages et 3 pages de couverture) en publicités. La municipalité, ne souhaitant pas débourser un centime dans l’opération, a dû s’y résoudre... Là encore, il ne s’agit pas à proprement parler d’un journal municipal, mais d’une publication-bilan de six années de mandat municipal (1959-1965), ainsi que l’indique l’éditorial du maire, Jean Turc. Logement, urbanisme, commerce, sports, beaux-arts, voirie, eau, enseignement, œuvre sociale, culture, tourisme…, tous les domaines d’intervention municipale y sont abordés. Les principaux organismes de la ville – chambre d’agriculture, de commerce, des métiers, sociétés d’économie mixte… - y ont leur page. L’ensemble est introduit par un avant-propos du préfet Jannin, heureux de saluer l’initiative de la municipalité d’Angers qui « a la volonté de renseigner tous les habitants du chef-lieu sur les problèmes que pose l’administration d’une agglomération de plus de 120 000 habitants et sur les solutions qu’elle s’efforce d’y apporter ». Il la remercie de comprendre son rôle de façon large, au service de tout le département, voire bien au-delà dans certains domaines comme l’enseignement supérieur.

 

« Angers notre ville », premier journal d’information municipale


Aux élections municipales de mars 1965, la municipalité Turc est réélue. Mais ce premier « Bulletin » n’a pas de suite immédiate. Deux ans s’écoulent avant la création pérenne d’un véritable journal municipal : « Angers notre ville ». Le premier numéro paraît vers mars 1967. « Vers mars », car il n’est pas daté. Il n’est pas non plus paginé, ne comporte ni indication de numéro, ni « ours » rédactionnel, ni tirage. Figure seulement la mention de l’imprimeur, H. Siraudeau et Cie, un spécialiste angevin des publications administratives. C’est donc un modeste coup d’essai de journalisme municipal débutant, sans service de communication… Il témoigne cependant, comme l’indique Jean Turc dans son éditorial, « de la volonté de la municipalité d’informer les Angevins des grands problèmes de leur cité ». Ses 32 pages – dont 12 de publicités – sont essentiellement consacrées à la bataille de l’industrialisation d’Angers. Le lectorat visé n’est pas encore essentiellement l’habitant d’Angers. La publication s’adresse tout autant à ceux qui, hors de la ville, s’intéressent à la décentralisation industrielle.

 

Le deuxième numéro, cette fois daté du 13 juin, marque à cet égard un tournant. Désormais, le journal sera plus strictement destiné aux Angevins. Le grave problème du logement en occupe la plus grande partie. De plus en plus tourné vers les habitants, le troisième numéro, en décembre, annonce qu’une « page des Angevins » sera ouverte dans le premier bulletin de 1968, pour toute question d’intérêt général. « Donnez votre avis, apportez vos suggestions, construisons, tous ensemble, Angers de demain » conclut l’éditorial du maire. Ce troisième numéro est le premier à comporter une indication de tirage : 30 000 exemplaires, pour 128 500 habitants. Pour comparaison, en 2012, son successeur « Vivre à Angers » est édité à 83 500 exemplaires pour 151 000 habitants.

Publication irrégulière jusqu’en 1972

Le journal municipal, imprimé en noir et blanc et en deux couleurs pour la couverture, poursuit son rythme de trois numéros par an en 1968 et 1969. Le nombre de pages passe à 36 à partir de décembre 1968 et le tirage à 40 000 au début de 1970. Tous les thèmes de vie municipale sont abordés, en priorité l’industrialisation et l’emploi, le logement, les nouveaux quartiers, la jeunesse et les sports, les équipements sociaux, la culture et les loisirs. Cependant, pour réduire le coût de la revue, une page sur deux est consacrée à la publicité.

Le dialogue avec les habitants n’est pas facile à nouer : la « page des Angevins » disparaît en 1969. Les contributions manquent-elles ? Le numéro de décembre 1968 s’en plaint : « Amis Angevins, vous êtes restés cette fois bien silencieux ». Deux numéros annuels seulement paraissent pour les années 1970-1972. Le calendrier plus régulier de parution annoncé en novembre 1970 entre dans les faits pour 1973-1976, avec désormais une parution trimestrielle. En novembre 1970, le maire annonçait aussi :

« Le besoin chaque jour plus grand d’information et de concertation nous a par ailleurs incité à modifier quelque peu le contenu de cette revue, pour mettre l’accent sur les initiatives et les événements locaux qui semblent répondre à vos préoccupations. »

« Angers notre ville » ne paraît pas en janvier 1977, malgré la proximité des élections, signe sans doute des dissensions au sein de la majorité municipale. La nouvelle municipalité de Jean Monnier élue en mars fait renaître deux mois plus tard un journal municipal, sous la forme du mensuel « Vivre à Angers ».