Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 422, mars-avril 2019
Alors que la première ligne de chemin de fer en Europe ouvre en 1835 entre Bruxelles et Malines, dès le 11 octobre 1833 le préfet de Maine-et-Loire appelle le conseil municipal d’Angers à donner son avis sur un projet de chemin de fer de Nantes à Orléans, formé par une compagnie de trois particuliers, Jacqueau, Gaulbrun et Steinau. L’avis rendu est favorable, mais « cette belle et vaste entreprise » devra excéder de beaucoup les prévisions des soumissionnaires, note la commission des travaux publics. Le conseil demande donc un avant-projet détaillé « comprenant les plans, les nivellements et les évaluations à peu près exactes des dépenses ». Trois autres conditions sont fixées : le tracé de la ligne doit passer « directement à Angers », le prix du transport des voyageurs sera réduit à 30 centimes par lieue et un minimum de vitesse est exigé.
La question du chemin de fer et de son tracé occupe les quinze années suivantes. Le projet de la compagnie se heurte en 1837 à une fin de non-recevoir du conseil, celle-ci ayant adopté un tracé sur la rive gauche de la Loire qui laisse Angers dans l’impasse d’un embranchement. « Je ne crois pas, souligne le conseiller Planchenault, que depuis le jour où Angers devint une ville, il se soit jamais présenté un intérêt aussi grand à débattre dans ses conseils. »
De nombreux projets sont étudiés. En 1839, on obtient enfin que le chemin de fer traverse la ville. L’emplacement de la gare est controversé. Sera-t-il au nord ou au sud de la ville ? On se prononce d’abord pour les prairies Saint-Serge, puis pour les terrains de la Visitation plus proches des nouveaux quartiers, avant de revenir à Saint-Serge en juin 1845. Cet emplacement « sert mieux les intérêts de la ville et du commerce d’Angers et ceux du mouvement général des intérêts publics. » Le maire Augustin Giraud l’affirme : « Le centre des affaires commerciales est évidemment en Boisnet et au port Ayrault ».
Retournement de situation, sous la pression des ingénieurs de la ligne, l’emplacement sud est adopté en 1846 : « La question du tracé du chemin de fer, qui avait tenu la ville d’Angers sous l’empire d’une vive et légitime émotion et l’avait partagée pour ainsi dire en deux camps, est définitivement résolue. Le projet de MM. les ingénieurs demandant la ligne du sud est définitivement adopté. L’exécution de ces travaux est sur le point de commencer. » (conseil municipal du 20 février 1846).
La gare doit donc être aménagée sur les terrains de l’enclos de la caserne de la Visitation. La ligne est solennellement inaugurée le 29 juillet 1849 par le Président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte au milieu d’un concours de « 60 000 visiteurs étrangers » (c’est-à-dire non Angevins). Pour l’occasion, un « débarcadère » provisoire est dressé à la Visitation. Un grand banquet est servi par Potel et Chabot de Paris dans la cour de la préfecture. « Jamais festin n’a été préparé avec plus de profusion et de délicatesse », note « un visiteur indiscret » dans les cuisines de la préfecture (Journal de Maine-et-Loire, 28 juillet). La première gare construite en dur, dénommée Saint-Laud, est ouverte au public en mai 1853. Elle est complétée en 1895 par un bâtiment perpendiculaire spécialement affecté aux départs. Les bombardements de 1944 ne laissent subsister que le bâtiment le plus ancien, celui de l’arrivée, tant bien que mal rapetassé. Une nouvelle gare, modeste, est mise en service en 1956. La gare de la troisième génération, conçue par l’architecte de la SNCF Jean-Marie Duthilleul, plus adaptée à l’importance de la ville et au trafic TGV, est inaugurée le 25 octobre 2001. Des immeubles de Frédéric Rolland ont complété l'ensemble.