La première rue piétonne

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 373, mai 2013

Décembre 1972 : Paris inaugure son premier quartier piétonnier, autour de l’église Saint-Séverin. À Angers, en juin, un essai de voie piétonne est pratiqué rue Saint-Aubin, pendant quatre après-midi. Selon un sondage publié le 21 juin, 67 % des six cents personnes interrogées sont favorables à une voie piétonne. Au centre de la ville, la situation était proche de la thrombose : des rues déjà étroites, encombrées par le double stationnement le long des trottoirs, achèvent d’étouffer sous une circulation de plus en plus dense.

Un an plus tard, la Jeune Chambre économique présente à la chambre de commerce un projet de quartier piétonnier pour les rues d’Alsace, Saint-Julien et Saint-Aubin. Au même moment, les commerçants de la rue Saint-Aubin renouvellent l’expérience piétonne pendant une semaine, puis de nouveau en juin 1974. La grande braderie de juin favorise ces tests, étendus en 1972 et 1973 aux fêtes de Noël. Devant le succès, le conseil municipal, saisi par l’Association des commerçants de la rue Saint-Aubin, adopte le projet de rue piétonne pour cette voie en janvier 1976. Les travaux se déroulent de juillet à novembre. La rue, entièrement reconfigurée, est officiellement inaugurée le 4 décembre, avec un défilé de majorettes. À Saumur, une voie piétonne a également été aménagée, quelques mois auparavant.

Ce n’est qu’une première tranche. Le plan de circulation voté en juin 1976 au conseil municipal d’Angers prévoit de convertir la majeure partie du centre-ville en ensemble piétonnier : « Les calculs de trafic automobile et de stationnement ont montré qu’un tel ensemble était réalisable sans compromettre l’accessibilité du centre ». Trois plateaux piétonniers sont donc envisagés, couvrant 24 260 m2 : le Pilori (rues Lenepveu, Saint-Laud, des Poêliers, du Mail, Saint-Étienne et place du Pilori) ; Rameau (rues Voltaire, Chaperonnière, de l’Aiguillerie, Plantagenêt, Chaussée-Saint-Pierre, Louis-de-Romain, des Deux-Haies, Corneille et carrefour Rameau) ; Alsace (rues d’Alsace, des Angles, Montauban, Saint-Julien).

Cependant, des voix s’élèvent contre ce projet. Le président des commerçants estime en 1978 que la rue Saint-Aubin dans sa nouvelle formule est un demi-échec. Un dossier est publié dans le journal municipal Vivre à Angers en novembre 1978. Une exposition consacrée au plateau piétonnier du Pilori est ouverte salle Chemellier en décembre, proposant des points de comparaison avec Besançon et Bayonne qui disposent de secteurs piétonniers importants. Les réponses au questionnaire proposé, rempli par 235 visiteurs, révèlent l’adhésion des trois quarts au projet. De nombreuses réunions de concertation permettent d’aboutir à la création du plateau du Pilori-Lenepveu-Saint-Laud, aménagé en 1979. Il forme le cadre idéal du quinzième anniversaire du jumelage entre Angers, Haarlem et Osnabrück, lors des fêtes de septembre. Le 8, c’est le baptême officiel, animé par les groupes folkloriques. Les rues piétonnes remportent « un succès fou, fou, fou » titre Le Courrier de l’Ouest. La réalisation des autres plateaux piétonniers est cependant différée. Il s’agit d’abord d’aménager des parkings au centre-ville ou à proximité.