Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
En 1850, l’abbé Augustin Le Boucher, né à Angers en 1826 dans une famille attachée au roi Charles X, après des études dans les séminaires parisiens, revient dans sa ville natale comme vicaire à Saint-Laud. Il a décidé de consacrer sa vie au relèvement de la classe ouvrière et de s’occuper des jeunes apprentis qui traînent dans les rues le dimanche. Il réunit d’abord trois enfants de 12 et 13 ans, à qui il demande d’amener des camarades les dimanches suivants. Nous sommes le 20 juillet 1851. Le patronage est né, l’un des premiers en France. L’Ouest a joué un rôle pionnier dans la création d’œuvres pour la jeunesse : les premières initiatives se font jour à Orléans et Rennes dès 1840 ; à Nantes, en 1844.
Placé sous l’invocation mariale de Notre-Dame-des-Champs, il a pour devise « Tout par Marie ». Très vite, l’œuvre connaît le succès : 71 inscriptions au 31 décembre 1852, plus de 170 en 1853. Jusque-là, il n’existait rien pour la jeunesse. Il s’agit de la soustraire aux mauvaises influences en lui donnant un lieu de détente, de répondre au problème ouvrier : la révolution de 1848, toute proche, a marqué les esprits. Le but, selon Le Boucher, est de « préparer à la génération qui s’élève des hommes sûrs, chez qui la probité, l’amour de l’ordre, l’obéissance aux lois soient des vertus chrétiennes, unique base d’une pleine et entière sécurité ». Les statuts mis au point par l’abbé Le Boucher ont servi de modèle pour le règlement du cercle parisien de Montparnasse en 1855.
Le siège du patronage se trouve promenade de la Baumette (propriété de la Gilberdière, au n° 5), où est bâtie en 1868 une chapelle dans le style du XIIIe siècle sur les plans de Dussouchay, mais il dispose d’une maison à Angers, rue Saint-Aignan, puis rue Toussaint et, à partir de 1911, impasse des Jacobins (dénommée impasse Pierre-Jeanson en 1953, du nom d’un prêtre angevin mort pour la France en Indochine).
Dans le règlement de 1860, Notre-Dame-des-Champs comprend deux sections : la première, sous l’invocation de saint Joseph, pour les jeunes gens de plus de 17 ans ; la seconde, sous celle des Saints Anges gardiens, pour les enfants de 12,5 ans jusqu’à 17 ans révolus. En 1869, afin de conserver les membres le plus longtemps possible, une nouvelle section est ouverte pour les plus de 21 ou 24 ans (mariés). L’abbé Le Boucher dirige le patronage jusqu’en 1863, date de sa nomination comme curé de Beaufort-en-Vallée. Les frères de Saint-Vincent-de-Paul, avec le père d’Arbois de Jubainville, poursuivent son oeuvre. De 1884 à 1903, le père Paul-Henry Myionnet en assure la direction. C’est le neveu de Clément Myionnet, créateur des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul d’Angers.
Le patronage se caractérise par une grande diversité d’activités. Il associe les jeux aux activités spirituelles : « jouer et prier ». Le jeu est essentiel dans le programme de Notre-Dame-des-Champs : jeux de plein air, comme le jeu de barres, la gymnastique, l’athlétisme…, jeux d’intérieur avec billards, boule de fort, échecs, dominos… ; sorties promenades et théâtre. Cette dernière activité est très cultivée, comme en témoigne René Rabault, dans ses Mémoires d’un Angevin de théâtre : « Pour deux ou trois [patronages], on peut parler de véritables troupes. Je pense surtout à Notre-Dame-des-Champs, dont le répertoire choisi allait de Racine à Jules Romains, et à la Madeleine… ».
Dans une ambition de formation intégrale de la jeunesse, Notre-Dame-des-Champs développe aussi des œuvres sociales : prise en charge du placement en apprentissage, cours du soir, conférences, caisse d’épargne et même quelque temps une maison de famille. Au début du XXe siècle, le sport commence à prendre une grande importance. Des compétitions sont disputées à l’extérieur. Le football est introduit, semble-t-il, par le comte de Saint-Pern. Après 1920, le patronage évolue vers le club sportif omnisports, qui existe toujours aujourd’hui.
Les archives du patronage de Notre-Dame-des-Champs sont conservées aux Archives municipales, sous la cote 12 J.