Le premier maire

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 382, mai 2014

Angers vient d’élire son 172e maire, poursuivant une belle lignée depuis 1474-1475, lignée qui aurait pu être plus longue si Angers, et l’Ouest d’une manière générale, n’étaient restés à l’écart du mouvement de franchise communale des XIe et XIIe siècles. Siège d’un apanage accordé à un cadet de la famille royale, élevé en 1360 au rang de duché en faveur de Louis Ier, frère du futur roi de France Charles V, l’Anjou demeure dans la dépendance de ses princes.

Angers, dans la dépendance du pouvoir ducal

L’organe principal du gouvernement de l’Anjou est la chambre des comptes, dont le premier acte connu date de 1368. Elle se réunit au château, à l’emplacement actuel de la promenade du Bout-du-Monde. En 1373, le sénéchal et lieutenant général du duc d’Anjou, Pierre Davoir, ordonne à son lieutenant et au capitaine d’Angers d’appeler dix ou douze bourgeois avec lesquels ils inspecteraient les fortifications, décideraient des réparations à faire et imposeraient aux habitants une taxe en proportion - l’impôt de la « cloison » - levée sur les marchandises pour maintenir la clôture de la ville en bon état.

Louis Ier octroie même à Angers sa première « charte communale » par les lettres patentes de juillet 1377, autorisant les habitants à élire dix d’entre eux pour tenir des assemblées, régler des comptes et s’occuper des affaires de la ville. Mais leur rôle reste très réduit et entièrement dépendant du capitaine d’Angers, du lieutenant du sénéchal et des officiers ducaux.

Visées de Louis XI

C’est du roi de France, près d’un siècle plus tard, que vient la création de la première municipalité angevine. Dès son avènement en 1461, Louis XI cherche à renforcer par tous moyens – et principalement par la diplomatie, la ruse, l’intimidation et l’argent – le pouvoir royal et le « pré carré » du royaume de France. L’Anjou, avec sa capitale Angers, ville de 10 à 12 000 habitants, est une pièce importante dans ce jeu de pouvoir, face au puissant duché de Bretagne, toujours prompt à s’allier avec les ennemis du roi de France. Plus affectivement, Louis XI s’intéresse aussi à l’Anjou à cause du sanctuaire de Béhard. Il se souvient d’avoir été sauvé d’une noyade par Notre-Dame de Béhuard en 1442 et lui a fait un vœu. Il tient aussi la vraie croix de Saint-Laud en grande révérence, car elle est réputée pour entraîner dans l’année la mort du parjure. Le roi contraint donc ses obligés à s’engager par serment sur la croix de Saint-Laud.

Après l’émeute – vivement réprimée - de la « tricoterie » contre la fiscalité royale, les Angevins ne peuvent mieux faire que de bien recevoir le roi lors de son entrée solennelle dans la ville, en janvier 1462. Ils lui offrent un tableau d’or. Louis XI se ménage quelques alliés de poids en Anjou, comme Jean Bourré, seigneur du Plessis, les seigneurs du Lude, la famille de Beauvau. En 1466, il montre son autorité de suzerain en accordant à Saumur ses premières franchises urbaines. Les relations se dégradent avec le roi René, duc d’Anjou, allié potentiel de la Bourgogne et de la Bretagne contre le roi de France, si bien que René d’Anjou doit se replier en Provence en 1471. Dès lors, l’Anjou est ouvert à la mainmise royale. En 1472, le roi de France se fait livrer des armes par le gouverneur du château, pour ses opérations contre la Bretagne. Il cherche en même temps à s’attacher les faveurs des bourgeois d’Angers et organise avec leur concours une milice urbaine. Les empiétements royaux sur l’Anjou augmentent. Le roi s’ingère dans la nomination des officiers ducaux et, arguant de l’imminence d’un débarquement anglais – l’affaire se conclut par le traité de Picquigny - ordonne en 1473-1474 la levée de l’arrière-ban d’Anjou. Mais là encore, pour se les concilier contre leur duc, le roi en exempte les bourgeois d’Angers.

Saisie de l’Anjou et arrivée de Guillaume de Cerisay

Et voici que, par son testament du 22 juillet 1474, le roi René lègue l’Anjou et la Provence à son neveu Charles du Maine. L’Anjou ne peut échapper à Louis XI ! Dès le 21 juillet, sous couleur de dévotion, le roi s’est installé à Béhuard. Il fait saisir et occuper le duché par François de Dunois, fils du Bâtard d’Orléans, envoyé comme lieutenant général. Un nouveau gouverneur est établi : Guillaume de Cerisay, greffier civil du Parlement de Paris, « compère » du roi, à l’instar d’Olivier le Daim, le plus célèbre des serviteurs du roi et de Philippe de Commynes, le plus intelligent.

Guillaume de Cerisay est un normand, de l’actuel département de la Manche, vicomte de Fauguernon et de Carentan où se trouvait son tombeau. C’est l’un des principaux hommes de confiance du roi. Il est envoyé à plusieurs reprises en mission diplomatique, en Angleterre en 1470-1471, auprès du duc de Bourgogne Charles Le Téméraire. C’est lui qui, revenant de Nancy en janvier 1477, apprend à Louis XI la mort du Téméraire. Quand la ville d’Arras est prise en mars 1477, il en est nommé gouverneur provisoire et s’y montre très dur. Pour faire entrer la ville dans l’obéissance, lui et Jean de Daillon, seigneur du Lude, également commissionné à Arras par le roi, usent de moyens bien simples… : exécutions sommaires, condamnations diverses, riches bourgeois mis à rançon. C’est en somme un personnage assez peu recommandable, tour à tour secrétaire, ambassadeur ou investi de missions policières. C’est aussi le riche ami de Commynes, puisqu’il est l’un de ceux qui négocient son mariage avec Hélène de Chambes, fille des seigneurs de Montsoreau, et se portent caution en sa faveur (27 janvier 1473).

Le 21 juillet 1474, le roi envoie Guillaume de Cerisay à Angers, avec trois chambellans. Il convoque pour le lendemain les principaux membres de la cité pour annoncer que le roi entend revendiquer l’apanage de France, par les armes ou par la justice. Veut-on lui être loyal comme lorsque l’Anjou a sauvé le royaume de la menace anglaise par la bataille du Vieil-Baugé en 1421 ? Les Angevins se retirent pour délibérer. « Tous en général promirent doresnavant et à tousjoursmais servir le roy de corps et de biens jusques à la mort, écrit le prêtre Guillaume Oudin dans son journal. Et plusieurs gentilshommes, gagnés d’avance à la cause royale, demandent de remercier le roi « des bonnes souvenances du temps passé ». Cerisay annonce l’arrivée prochaine du souverain et souffle aux habitants qu’il leur accordera ce qu’ils voudront lui demander, par exemple une mairie…

Création de la mairie

Le 25 juillet, Louis XI est à Angers. Il reçoit au château et écoute « très bénignement » les habitants qui lui demandent une diminution des impôts et aussi permission « d’avoir maison de ville, c’est assavoir maire et eschevins, laquelle demande et requeste le roy leur octroya et donna très volontiers ». Aussitôt le peuple crie « Noël ! ». Des feux de joie sont allumés, des tables rondes dressées par rues et carrefours, « en louant et merciant Dieu et priant pour le roy » (Guillaume Oudin). Le roi accorde la mairie, mais également deux foires franches annuelles, l’une le 29 août et l’autre le 13 février. Ainsi Louis XI reprend-il la politique des Capétiens de jadis, favorisant un mouvement communal propre à ébranler le pouvoir des grands seigneurs. La mairie était un appât pour s’attacher les Angevins, un moyen de gouvernement.

Attribuée le 25 juillet 1474, la charte communale est signée à Paris en février 1475 seulement. Son long préambule est un réquisitoire contre le gouvernement ducal qui aurait laissé la ville dans une situation dramatique… justifiant la création de la municipalité. Le roi octroie un maire élu pour trois ans, un sous-maire, dix-huit échevins, trente-huit conseillers, un procureur et un clerc élus à vie, avec faculté de se réunir librement. Tous sont richement dotés de gages. Le maire reçoit l’importante somme de 500 livres par an, le sous-maire, 120 livres. Le privilège de noblesse leur est en outre concédé – ce sera la noblesse de cloche, par allusion au beffroi municipal – avec possibilité d’acquérir des fiefs nobles, tout en réglant le partage de leurs successions à leur choix, noble ou bourgeois. Le roi confie donc le gouvernement de la ville, comme à Tours en 1462 ou à Bourges en 1474, à quelques dizaines de notables, attachés à lui par des faveurs et qui seraient donc amis de l’ordre existant. Le maire devient capitaine de la ville, chef de la milice bourgeoise, gardien des privilèges de l’université et reçoit d’importants pouvoirs de police et de justice sur toutes les causes pendantes entre les habitants de la ville et de sa banlieue, sauf appel direct au Parlement de Paris. Le corps de ville pourra lever les droits de cloison et de pavage, jusqu’à concurrence de mille livres par an, pour l’entretien et la défense de la ville. Ces privilèges peuvent sembler très libéraux, mais ils sont avant tout conçus pour ruiner l’autorité ducale.

La charte organise une vaste communauté urbaine. Son noyau est formé par les onze paroisses de la ville et les cinq des faubourgs, qui jouissent seules de tous les privilèges de la charte, mais l’autorité de la mairie, quant à la juridiction ordinaire, au guet, à la garde de la ville et aux fossés, s’étend aux quintes de La Haie-Joulain, de Brain, de Saint-Georges et de La Membrolle, soit à quarante-quatre paroisses, ainsi qu’aux Ponts-de-Cé. Les privilégiés sont exempts de guet et de garde. En cas de péril cependant, tous doivent y contribuer. La municipalité devra naviguer entre deux écueils : les privilégiés, toujours enclins à contester les sacrifices nécessaires et le peuple, mécontent de supporter l’essentiel des charges.

Mécontentements et « murmures »

L’octroi de la mairie soulève immédiatement des difficultés. D’autant que Louis XI fait fi de l’élection en imposant Guillaume de Cerisay comme maire et, sachant que ce dernier serait le plus souvent auprès de lui ou en mission, Thomas Jamelot, un autre de ses conseillers et maître d’hôtel, comme sous-maire. Louis XI parlait par la bouche de son homme de confiance et se trouvait être le véritable maire d’Angers. Échevins et conseillers sont également choisis par le roi.

À peine la mairie est-elle créée que « aucunes gens, comme bourgeois, marchands, seigneurs de l’Église, conseillers et autres gens en parlèrent un peu à volonté en murmurant dudit maire, sous-maire, eschevins et conseillers, touchant le fait desdittes constitutions, ordonnances et d’autres choses », signale Guillaume Oudin. Guillaume de Cerisay bannit les contestataires de la ville. Par ailleurs, forte de ses droits de police et de justice, la municipalité interdit aux Angevins de passer aucun contrat sous un autre sceau que celui de la mairie et au juge d’Anjou, institué par le roi René, de connaître les causes des particuliers. En décembre 1474, les partisans de la mairie abattent la pancarte accrochée à la porte du garde des sceaux d’Anjou où étaient écrits ces mots : « Céans sont les seaulx du tabelionnaige d’Angiers ». Le conseil ducal réplique en rétablissant l’enseigne et enjoint au garde de continuer à passer contrats et obligations. Les gens de justice, voyant leurs droits amoindris par la charte de 1475, écrivent le 4 mars de la même année à Jean Bourré pour empêcher l’application de la charte. Le clergé, astreint aux charges municipales, et troublé dans ses droits de justice par les nouveaux pouvoirs de la mairie, se joint à eux. L’université emboîte le pas aux mécontents, indignée par les entreprises du maire sur les « écoliers ». Du côté de René d’Anjou, retiré en Provence, aucune aide ne devait être attendue : pour être remis en possession de ses états, quoique Louis XI conserve des gages comme le château d’Angers, le duc signe, le 21 mai 1476, la reconnaissance de la mairie.

Remise en ordre de la ville et des finances

Afin de parer aux conflits, le roi nomme capitaine du château Antoine de Sourches, sire de Maigny et fait réparer la forteresse en toute hâte en prélevant deux mille livres sur l’imposition de la cloison, doublée par Guillaume de Cerisay en juillet 1475 pour procéder à la réfection des fortifications de la ville, sa grande préoccupation. Jusqu’à sept lieues à la ronde, « touttes manières de gens », de quelque état ou métier qu’ils soient, gens d’église, bourgeois, seigneurs, « gens mécanicques », tous sont convoqués par le roi à la belle saison 1477 pour creuser les fossés de la ville. Les religieux doivent manier pics et pioches depuis la porte Toussaint jusqu’à la porte Saint-Aubin et les laïcs jusqu’à Saint-Michel-du-Tertre. Le premier maire entend aussi mettre de l’ordre dans les comptes. Les lettres royales du 3 novembre 1478 accusent en effet les officiers du roi René d’avoir « retenu et recellé grans partie » des deniers de la ville, qu’ils « ont appliquez a leur proufit et butinez entre eulx » et pour couvrir leur « malle [mauvaise] administration », d’avoir maquillé les comptes (Archives municipales Angers, CC 4, f° 256 v°-257 r°)…

Durant les mois de novembre et décembre 1478, Pierre Dare, vicomte de Rouen, quatre échevins et trois autres délégués sont commis pour « visiter les comptes a la maison de ladicte ville de l’administracion des deniers d’icelle depuis trente ans darreniers passez »… La maison de ville, la première, se trouve au-dessus de la porte Chapelière, au bas de la rue Baudrière. C’est une grande salle éclairée par trois fenêtres, meublée de plusieurs coffres, de bancs et d’un « buffect » (Archives municipales Angers, comptes de la ville, CC 5, f° 56 v°). Elle est chauffée par une cheminée. Les commissaires aux comptes y font brûler cinq sommes (= charge d’une bête de somme) de bois et douze fagots (CC 5, f° 55 v°). Les registres de comptes font état d’autres envoyés spéciaux de Louis XI, Auger de Brie et Adam Fumée, conseillers du roi et maîtres des requêtes de son hôtel, présents à Angers pour « réformer » les comptes de la cloison, « tant deparavant la creacion de la mairie d’Angiers que depuis ». Le 8 janvier 1479, ils reçoivent 200 écus d’or pour leur peine.

Les commissaires Auger de Brie et Adam Fumée ne sont pas seulement chargés d’examiner les comptes, mais, avec Guillaume de Cerisay arrivé en personne, Jacques Louet et un des lieutenants du prévôt des maréchaux, ils sont chargés de « meictre fin en l’esmocion qui lors estoit en ladicte ville touchant l’eslection que l’on voulloit faire d’un nouveau maire », ou, comme indique un autre paragraphe des comptes de la ville, « pour savoir la verité de certaines assemblees faictes en ladicte ville encores pour l’election dudict nouveau maire ».

La journée des « dupes »

Cette curieuse affaire, malgré les excellentes informations données par le mémorialiste Guillaume Oudin, n’a pas été complètement tirée au clair. Les Angevins n’étaient pas satisfaits de leur maire, mais ne se révoltaient pas ouvertement. Ils saisissent l’occasion de l’arrivée d’un commissaire, le 9 septembre 1478, disant apporter des lettres du roi qui le chargeait de faire creuser les fossés et permettait aux habitants d’élire un maire et un sous-maire nouveaux, « tels que bon leur sembleroit suffisant à ce, lesquels […] ne seroient que pour un an audit office », comme leurs successeurs. Les principaux habitants - bien quatre ou cinq cents personnes selon Oudin - s’assemblent donc dans la grande salle du couvent des Carmes et, prudemment, proposent quatre candidats au choix du roi. Des messagers sont envoyés vers Louis XI, qui, à la faveur d’un voyage à Béhuard, arrive à Angers et se rétracte : « celuy qui premièrement avoit esté fait maire ne seroit point changé pour un autre ». Bien plus, « tout incontinent après ce », il donne l’ordre au capitaine des archers de sa garde de procéder à la « confiscation de ceux qui avoient esté à icelle assemblée de conseil aux Carmes ».

Arrivent le 8 novembre les commissaires du roi précédemment nommés, « pour soy informer de ceux qui s’estoient trouvez a laditte assemblée […] pour les en punir ». Ils font emprisonner les principaux représentants des familles habituées à servir les princes angevins, les Binel, Fournier, Dupré, Poiroux, Belin, Breslay, Villodes, Gilbert, Pincé…  Ceux-ci ne sortent de prison que moyennant de lourdes amendes, se montant au total à 10 780 écus ! Une méthode bien proche de celle du gouvernement d’Arras… Sans doute cette affaire n’était-elle qu’un stratagème imaginé par Louis XI pour démasquer les opposants de Cerisay et s’en débarrasser. Jean Binel, docteur-régent et juge d’Anjou, rentre en grâce en 1479 : le roi l’envoie en ambassade à Venise, afin de servir son grand rêve d’unification de toutes les coutumes de France, car pour rédiger un droit nouveau, il fallait avoir des comparaisons avec les lois étrangères.

Malgré tout, les opposants à Louis XI et à Cerisay ne semblent pas désarmer, puisque Louis XI, avant son arrivée à Angers pour un court séjour, fait interner à Saumur seize notables angevins (registre des délibérations municipales, BB 1, f° 4 v°-5 r°, 8 décembre 1479), dont dix figuraient déjà sur la liste des personnes emprisonnées en 1478 ! Le 15 décembre 1479, le roi est encore à Angers, Guillaume de Cerisay par conséquent aussi. C’est la seule fois où on le voit, d’après les registres de délibérations conservés, présider un conseil de ville.

Il faut supprimer la mairie !

Débuts difficiles donc pour la mairie d’Angers. La mort de Louis XI, le 30 août 1483 réveille les contestations. La mairie manque de peu d’être supprimée. Les officiers du roi - anciennement officiers du duc René d’Anjou, décédé en 1480 -  sont les plus virulents. Ils écrivent au chancelier de France, le 19 novembre 1483, que la mairie est « la plus prejudiciable […] au roy et a toute la chose publicque qu’oncques fust ordonnee au royaume de France ». Le réquisitoire est sévère. Confirmer leurs privilèges ferait le plus grand déplaisir à tous, Église, nobles, université, excepté à ceux de la mairie « mecanicques pour mangier… la chose publicque » ! De leur côté, le maire Guillaume de Cerisay, l’échevin et garde de la monnaie Jean Ferrault, cinq conseillers, leurs serviteurs, le « chevaucheur » de la mairie Guillaume Jollet, le sergent Jean Levesque et deux voituriers ont quitté Angers le mercredi matin 29 octobre 1483 pour se rendre à Tours, Amboise, Blois, Beaugency et à Meung-sur-Loire, là où se trouverait le roi, « pour faire la dilligence d’avoir la confirmacion des previlleiges de ladicte ville d’Angiers ». Quel équipage, à la hauteur du danger encouru ! Les dépenses l’ont été également, puisqu’il en a coûté l’énorme somme de quatre cent quinze livres et sept deniers (Archives municipales Angers, CC 5, f° 107 r°).

Finalement, la mairie est maintenue in extremis, mais ses privilèges sont réduits. Le conseil de ville est ramené à un maire, élu tous les ans, à 24 échevins, un procureur et un greffier, élus à vie. Elle perd ses pouvoirs de police et de garde de la ville (qu’elle récupère en décembre 1484 afin de pouvoir exercer une réelle administration), de justice (rendus à la prévôté et à la sénéchaussée), ainsi que la conservation des privilèges royaux de l’université. Le droit de vote aux élections municipales, donné à tous les habitants par Louis XI (mais aussitôt confisqué par lui) n’est attribué qu’à cinq catégories d’Angevins : les gens de la mairie, deux députés de l’Église, le procureur général de l’université, les gens du roi et les délégués des états laïcs de la ville.

Antoine de Sourches et Jean Bourré, commissaires du roi, sont chargés de régler les autres détails. De nombreuses réunions se succèdent avec six à huit délégués du conseil de ville entre le 22 avril et le 1er mai. Le 3 mai, l’ordonnance finale est lue en assemblée générale des habitants, au réfectoire des Carmes et, sans même attendre la ratification royale (donnée le 12 juin), le lendemain 4 mai, le premier maire d’Angers est librement élu. Guillaume de Cerisay devait laisser la place à Guillaume de Lespine.