Les débuts du football et du SCO

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 392, juillet-août-septembre 2015

Le football a été importé d’Angleterre dans les années 1870 par des étudiants, des marins ou des négociants, en même temps que le rugby et l’athlétisme. Le premier club français est fondé au Havre en 1872. Les nouveaux sports sont d’abord pratiqués dans les ports. Ils sont introduits à Angers par les patronages et les étudiants : à Notre-Dame-des-Champs en 1899, à l’Avant-Garde – patronage de Saint-Vincent-de-Paul – et à la Vaillante en 1906, à l’école Chevrollier, à l’École normale et aux Arts et Métiers. Chacun joue de son côté. Avec la fondation du Racing Club angevin, le 18 août 1903, apparaissent les compétitions entre clubs. Le premier match de football se déroule en janvier 1907. Le football se développe surtout avec la création de l’Angers Université Club en 1908, qui devient l’un des meilleurs clubs français d’avant-guerre, champion de l’Atlantique en 1912, tandis que le RCA est dissous en 1909.

Création du SCO, le Sporting Club de l’Ouest

L’Angers Université Club lui-même disparaît au cours de la première guerre mondiale, laissant le terrain libre au Club Sportif Bessonneau fondé en 1912, réservé aux salariés de la plus importante entreprise d’Angers. Très actif dans le domaine du football, le club peut constituer jusqu’à huit équipes et devient le plus important de la ville. Pour retrouver un adversaire à sa mesure, Julien Bessonneau, l’animateur du sport angevin, incite à la création d’une nouvelle association sportive. La fin de la guerre aidant, Paul et Georges Fortin, dirigeants de la banque du Crédit de l’Ouest, se lancent dans l’aventure, le 10 octobre 1919 :

« Dans une réunion qui a eu lieu hier soir à Angers, la grande société sportive dont on attendait depuis longtemps la naissance a été enfin fondée grâce à l’initiative et au dévouement de MM. Paul et Georges Fortin. Cette société prendra le nom de Sporting Club du Crédit de l’Ouest et sera ouverte non seulement aux sportifs de cette maison, mais à tous les jeunes gens qui désirent pratiquer les sports athlétiques et le football. Nous ne pouvons que féliciter les fondateurs de ce nouveau club sportif qui remplace l’Angers Université Club que la guerre avait fait disparaître. » (Le Petit Courrier, 11 octobre 1919)

Le quartier général du nouveau club se trouve au Café du Ralliement, à l’angle de la place et de la rue d’Alsace, propriété des Sancinéna. La première équipe est constituée le 15 octobre et Le Petit Courrier du 17 en donne les noms : Garçon, Allusson, Durand, Loussier, Botrel, Marais, Gasdon, Millet, Tuault, Enquebecq, Weiss, Juin, Cady, Marchenoir et Chauveau. Auguste Courtin est nommé président. La même année est créée la Fédération française de football.

Premier match contre Nantes

Le baptême du feu a lieu le dimanche 19 octobre, dans un ancien champ loué par les banquiers Fortin route de Nantes, à flanc de coteau du plateau de Belle-Beille, sur le chemin du champ de tir de l’armée. Pour ses débuts, le Sporting Club du Crédit de l’Ouest, vite rebaptisé Sporting Club de l’Ouest ou SCO, affronte l’équipe première du Stade Nantais Université Club, premier match du championnat de la Ligue de l’Ouest. Malheureusement, la jeune équipe manque encore de cohésion. Elle est battue par 2 buts à 1 :

« Dès le début, les Nantais dominent et jouent très vite marquant bien et shootant assez sec. Les Angevins un peu lents font néanmoins bonne figure et jouent en « scientifiques ». En effet, les hommes du SCO sont des « as » du ballon rond auxquels il ne manque que l’entraînement pour retrouver le souffle et aussi la cohésion bien rare forcément alors qu’il s’agit d’un premier match après trois ou quatre années de guerre pour la majorité des joueurs et surtout l’ignorance totale du jeu de leurs co-équipiers.
Nous croyons aussi qu’un capitaine énergique et dominant ses hommes - Comme c’est le cas au SNUC où le capitaine commande et joue bien […] - serait une bonne chose au club « bleu et blanc ». À la première mi-temps, 0-0.
Les deux équipes n’ayant fait que de déplacer le ballon sans dominer ni s’inquiéter l’une ou l’autre. À la seconde mi-temps, sans profiter la déclivité du terrain, les Angevins jouent calmement.
Les Nantais dominent mais dans une belle descente et après un cafouillage, les Angevins marquent le premier but de la partie. Puis, repris d’ardeur, les Nantais shootent, mais il y a « off side », enfin ils shootent encore et entre. [sic] Enfin, presqu’au sifflet les Nantais triomphent par 2 à 1.
Ils menèrent bien la victoire, ayant dominé totalement. Les meilleurs ont gagné, mais les équipiers du Sporting Club du Crédit de l’Ouest sont de dangereux adversaires qu’il sera plaisant d’applaudir à nouveau. » (L’Ouest, 20 octobre)

Le SCO joue alors en bleu et blanc. Le noir ne remplace le bleu que dans les années trente, à l’initiative du président André Bertin (1927-1939). Par la suite, la répartition des couleurs noir et blanc évolue encore à plusieurs reprises. Une nouvelle réunion au Café du Ralliement permet de créer deux équipes cette fois, le dimanche suivant 26 octobre. La première affronte la Vaillante Sports et se trouve battue par 3 buts à 0. La seconde joue contre la deuxième équipe de la Vaillante Sports. Cette fois, c’est le SCO qui remporte le match par 3 buts à 1. Le Petit Courrier donne le nom des joueurs de cette seconde équipe : Durant, Louissier, Garçon, Millet, Marais, Enquebecq, Gasdon, Sancinéna, Weiss, Rabeau et Guimond. On reconnaît Sancinéna, le fils du cafetier du Ralliement.

Vers la première division

À la fin de l’année, les statuts du SCO sont déposés et à la saison suivante, le club emménage rue Saint-Lazare (future avenue René-Gasnier), à proximité du tramway, sur un terrain acheté par les banquiers Fortin. Le stade du Crédit de l’Ouest comporte deux terrains, l’un pour le football et l’autre pour le rugby. Le SCO est un club omnisports où se pratiquent également athlétisme, basket, hockey, hand-ball, natation… Le nouveau stade est alors le mieux situé de la ville et l’on escompte un nombreux public aux différents matchs. Malheureusement, les saisons 1922-1924 sont médiocres et la section football du SCO s’efface pour quelque temps, jusqu’à ce qu’une scission au sein du Club Sportif Jean-Bouin (ex-Bessonneau) entre le football et les autres disciplines ne relance le SCO par la réunion des deux équipes de football en 1931. Le dynamisme du président André Bertin faisant le reste, le SCO devient l’un des plus importants clubs omnisports de province. En football, il est champion de l’Ouest de division d’honneur en 1932, champion de France amateur en 1943.

Après la Libération, au lieu d’évoluer en promotion d’honneur amateur, il pose sa candidature au groupement des clubs professionnels et intègre la division 2 pour la saison 1945-1946. Son stade est toujours celui du Crédit de l’Ouest, avenue René-Gasnier, seulement pour l’entraînement. Pour les rencontres officielles, il loue au Club Sportif Jean-Bouin le stade Bessonneau, futur stade Jean-Bouin. En 1955, la Ville en décide l’acquisition pour le mettre à disposition des écoles et des clubs sportifs. Elle y fait réaliser de grands travaux de modernisation en 1956-1957, car le stade ne disposait alors que de sept cents places couvertes... Travaux rendus d’autant plus nécessaires que le 27 mai 1956, à la suite d’un match très tendu contre le Football Club de Nantes, au stade Malakoff de cette ville, le SCO accédait à la division 1 pour la première fois de son histoire.