Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 251, novembre 2001
Anselme-François-René Papiau de La Verrie, né à Angers en 1770, est l'héritier d'une dynastie de marchands tanneurs. La Révolution lui offre la possibilité d'exercer des fonctions électives : il est capitaine de la garde nationale en 1790, puis membre du conseil municipal, officier municipal et l'un des trois adjoints, à partir de 1800, des maires Farran (1800-1801) et Joubert-Bonnaire (1801-1808). Premier adjoint du nouveau maire Urbain-Lézin Boreau de La Besnardière (1808-1813), il exerce en fait souvent toute la réalité du pouvoir, le maire en titre se déchargeant sur lui du soin de l’administration municipale. Lors du passage éclair de Napoléon Ier à Angers le 11 août 1808, Papiau de La Verrie se voit confirmer, à sa demande, l’autorisation de démolition des fortifications de la ville.
Mémoires et archives administratives témoignent que Papiau était un homme très apprécié, pondéré, dévoué et honnête. Les rapports du préfet en 1812 signalent qu’il « est un excellent homme, plein de droiture et de bon sens, d'intelligence et de zèle, très considéré à Angers ». Ils ajoutent : « Malheureusement, il est modeste et timide et ne sent pas ce qu'il vaut ». Face à ce tribut d’éloges, on ne s’étonnera pas que Papiau soit nommé maire d'Angers le 25 mars 1813. Le registre des délibérations mentionne, à la date de son installation le 4 mai, que le conseil regarde comme une faveur la nomination à la tête de la ville « d’un citoyen aussi recommandable par ses qualités personnelles que par ses moyens administratifs dont il a donné tant de preuves depuis douze ans qu’il fait partie de l’administration ».
Papiau est maintenu maire par la Restauration, qui le décore de l’ordre de la Légion d'honneur en janvier 1815. Durant les périodes difficiles qui suivent - retour de Napoléon pendant les Cent-Jours, seconde Restauration, invasion des armées étrangères - il conserve ses fonctions. Face à l'occupation d’Angers par les troupes prussiennes (4 août – 23 septembre), il s’efforce de rassurer ses concitoyens, use de manœuvres dilatoires pour modérer les exigences de l’occupant. Finalement, et grâce à la fermeté conjointe du préfet par intérim Leterme-Saulnier, la ville ne règle aux Prussiens qu’une contribution de 300 000 F, contribution qui sera en partie remboursée par le Trésor royal. Aux prises avec de multiples difficultés – menace de disette, approvisionnement de l’armée prussienne, rixes avec l’occupant, typhus des prisonniers… - le maire réussit à adoucir le sort de ses administrés. D’après une tradition orale transmise par sa famille, il parvint à faire dévier au profit d’Angers un chargement de blé remontant la Loire depuis Nantes et destiné à Orléans…
Papiau de La Verrie est élu député de Maine-et-Loire le 22 août 1815. Il quitte Angers et ses fonctions de maire le 18 septembre, mais non sans de chaleureux remerciements du conseil municipal. Une pétition, signée par un grand nombre d’Angevins, avait demandé que fût décerné au maire un témoignage de la reconnaissance publique :
« De grands événements politiques ont changé la face de la France et porté l’agitation dans les esprits […]. Angers, placé au centre de tous les élémens de fermentation, avoit peut-être plus qu’aucune autre à redouter, soit les excès de l’esprit de parti, soit ceux de la licence militaire : mais grâce à la sagesse et à la vigilance de son administration municipale, le calme n’a cessé de régner dans ses murs… […] [Il] parvint par son influence personnelle à rapprocher les esprits et à étouffer tous les germes de discorde. »
Aussi le conseil municipal décide-t-il de lui offrir une épée, comme étant l’un des attributs distinctifs de la place de maire. En bronze ciselé, décorée des armes de la ville, elle porte cette inscription : « La ville d’Angers reconnaissante à M. le chevalier Papiau, maire, 17 septembre 1815 ». Remise lui en est faite le 12 septembre 1816.
Après son échec aux élections législatives de 1820, Papiau de La Verrie se retire à Angers, mais il reste conseiller municipal. Il meurt le 20 avril 1856. Sa tombe, au cimetière de l'Est, est la seule due au ciseau de David d'Angers. Sur un simple cippe de marbre blanc, le sculpteur a figuré une représentation de la Religion qui rappelle celle apposée sur le tombeau de Bonchamps à Saint-Florent-le-Vieil.