Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 269, juin 2003
LA CRÉATION DU SYNDICAT D’INITIATIVE DE L’ANJOU
Invention anglaise avec le grand voyage, « The Tour », le tourisme naît peu à peu au XIXe siècle. Stendhal est le premier à employer le mot « touriste » en 1838, avec son ouvrage « Mémoires d’un touriste ». En même temps paraissent les premiers guides : l’anglais en 1836 (Murray), le français en 1841 (Joanne, dont les Guides Bleus prennent la suite en 1910), l’allemand en 1843 (Baedeker).
Les années 1890-1910 marquent les véritables débuts du tourisme, depuis la fondation du Touring-Club de France en 1890 jusqu’à celle de l’Office national de Tourisme en 1910, premier organisme officiel français en ce domaine. C’est l’époque des premiers syndicats d’initiative, créés d’abord dans le midi de la France.
L’idée d’un syndicat d’initiative de l’Anjou est émise pour la première fois par les membres du Congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences, réunis à Angers en 1903. Surpris de découvrir les richesses de la région, qu’ils ne s’attendaient pas à trouver aussi remarquables, ils suggèrent aux Angevins de créer un syndicat d’initiative à l’imitation des méridionaux. Le projet est présenté le 31 mars 1905 au cours d’une réunion présidée à l’hôtel de ville par le maire et dans une notice explicative : « Les touristes étrangers ou français nous visitent rarement. De la promenade classique aux châteaux de la Touraine, on descend directement sur les côtes de la Bretagne, sans arrêt, ou, tout au plus, après une halte d’une demi-journée à Angers ».
Attirer les touristes
Phrase qui, pour la première fois, exprime ce qui reviendra en leitmotiv et contre quoi les Angevins vont fourbir leurs armes. Le syndicat d’initiative de l’Anjou se réunit pour la première fois le 27 avril 1905 chez son président, le docteur Motais, créateur de l’enseignement ophtalmologique à Angers. Le but proposé est clair : mettre en valeur les richesses naturelles, artistiques et industrielles du pays, pour créer un « grand mouvement de voyageurs vers l’Anjou et par suite donner une nouvelle impulsion aux relations intellectuelles, commerciales et industrielles ». Comme modèle, Angers dispose en particulier du syndicat d’initiative de Guérande, « qui fonctionne admirablement et donne des résultats remarquables ».
Une rude épreuve
Dès l’été 1905, le syndicat de l’Anjou donne « signe de vie », suivant le mot de son président, en organisant une excursion à Saumur, Fontevraud et Candes (9 juillet). Un local avec vitrine est loué chez Jouanneau, à l’hôtel des Voyageurs, place de la Gare. Quatre commissions sont mises en place : propagande (on ne disait pas publicité…), logements (la cruciale question de l’hôtellerie), transports et excursions. Le lancement officiel a lieu au cours d’une grande fête, le 7 novembre, au Grand-Hôtel de la place du Ralliement : allocutions multiples, conférence du délégué du Touring-Club de France, concert et projections. C’est un succès ! Cent soixante-quinze sociétaires membres fondateurs s’inscrivent en 1905. Trente autres adhérents les rejoignent en janvier 1906. Les ressources financières reposent essentiellement sur eux et sur quelques faibles subventions.
Cette création ne fut pas de tout repos, si l’on en croit le docteur Motais, qui déclara que la fondation du syndicat fut l’une des circonstances de sa vie où ce qu’il avait d’énergie subit la plus rude épreuve… Et pourtant, il en avait connu d’autres ! Dans la foulée d’Angers se créent les syndicats de Tours, de Blois et de Loire-Inférieure, ce qui permet d’établir dès 1906 une fédération des syndicats d’initiative de la Loire, pour faire connaître toute la vallée, jusqu’à son embouchure.
Tous azimuts
Divers moyens d’action sont immédiatement mis en œuvre à Angers : participation au premier congrès du Tourisme en 1905, aux États généraux du Tourisme en 1913 ; publication de guides touristiques (Au Pays d’Anjou, 1911) et de plaquettes, d’une revue trimestrielle à partir de 1913 ; excursions mémorables comme celle de Saint-Florent-le-Vieil et Ancenis à bord du bateau « La Ville d’Angers » le 15 juin 1913… Un car « alpin » est acheté au printemps 1914 pour rayonner en Anjou. Le syndicat apporte une aide active à la création de grands événements destinés à mettre en relief la région : première course d’aéroplanes de ville à ville en 1910, premier grand prix de l’Aéro-Club de France en 1912.
Son rôle est aussi important dans le développement de la bonne conduite automobile : vœux pour l’aménagement des routes du département (goudronnage, démolition de bâtiments gênants), participation à l’élaboration du code de la route. Dans le domaine monumental, il fait poser des panneaux signalétiques (maisons natales de Ménage, David, Chevreul), s’oppose au transfert des gisants de Fontevraud en Angleterre, intervient à plusieurs reprises en faveur de la bonne conservation du château, aux mains de l’administration militaire qui ne l’entretient que superficiellement.
Enfin, ses initiatives visent particulièrement à ouvrir des débouchés commerciaux aux productions angevines. Cheville ouvrière de l’exposition d’Angers en 1906, le syndicat est aussi le parrain de la foire-exposition en 1924.
Après l’interruption de la première guerre mondiale, au cours de laquelle le syndicat se réoriente vers les œuvres aux réfugiés, la question du tourisme revient sur le devant de la scène, toujours plus importante pour le développement du pays. Les journaux titrent à plusieurs reprises : « Pourquoi ne sommes-nous pas en Anjou aussi favorisés que nos voisins ? », « Sachons retenir les touristes »… Tout est à reprendre, et le « faire connaître » plus que jamais à l’ordre du jour.
Premiers présidents du Syndicat d’initiative
- Docteur Motais : 1905-1908
- Henri Cochard : 1908-1919
- Docteur Lepage : 1919-1923