Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 244, mars 2001
5 mai 1801 : le premier musée d’Angers, sous l’appellation de muséum, ouvre au public dans les bâtiments du logis Barrault (XVe, XVIIe-XVIIIe siècles).
Un très beau plan de l’ensemble des bâtiments en 1792, conservé aux Archives municipales, permet de se rendre compte de leur configuration complexe, depuis leur transformation en séminaire en 1673.
D’abord annexé à l’École centrale, qui préfigure le lycée, le musée ne devient municipal qu’en 1805. Il regroupe galerie de peinture (tableaux issus des confiscations révolutionnaires et d’envois de l’État) et cabinet d’histoire naturelle. La Ville effectue ses premiers achats de tableaux en 1835. L’un d’eux, « Intérieur de forge » par Rosine Parran, est visible à l’exposition, salle Chemellier. Une galerie de sculpture consacrée à David d’Angers est inaugurée en 1839. Le musée s’étoffe encore en 1841 avec la création d’une « salle des Antiquités » (musée archéologique).
Reconstruction ou restauration ?
Le problème des bâtiments n’est pas long à se poser : leur état général soulève quelques inquiétudes…, la place manque. Après de longues discussions, le conseil municipal décide en 1838 une reconstruction totale et l’aménagement d’un « quartier neuf » raccordé au boulevard et à la rue des Lices. Une somme de 200 000 francs est inscrite au budget de 1839, mais le silence retombe sur le projet. On se contente d’approprier l’ancien réfectoire du grand séminaire en galerie David-d’Angers et de construire au-dessus la nouvelle bibliothèque, ouverte en 1848.
Or, la dégradation des salles du musée devenait dramatique : « La commission du Bien public en 1849 vous signalait avec raison l’état de délabrement dans lequel se trouvait le plancher du musée qui soutenait les collections d’ornithologie et de minéralogie, l’inspection des lieux a démontré combien il était urgent de le remplacer puisqu’il allait infailliblement s’écrouler entraînant dans sa chute la ruine de notre cabinet d’histoire naturelle » (rapport de mars 1851 au conseil municipal).
Un premier projet de restauration urgente est voté en 1850, avec surélévation de la partie droite du logis Barrault (par rapport à l’escalier du XVe siècle) jusqu’à la hauteur de la partie gauche. Mais, surprise…, « en procédant à la démolition du plancher situé au-dessus de la grande salle de peinture, on a sondé des plaies profondes, mis à nu tous les planchers de la partie gauche du bâtiment et l’on s’est bientôt aperçu que les bois qui les composent sont usés et complètement perdus ; il est aujourd’hui indispensable de remanier à neuf presque tous ces planchers, ainsi qu’une partie des charpentes du bâtiment ».
Canards ou tableaux ?
D’autres ennuis surgissent, obligeant à revoir toute la conception du musée : l’humidité des salles du rez-de-chaussée ne permet plus d’y placer les peintures. On y descendra donc le cabinet d’histoire naturelle. Protestation de son conservateur. Nouvelles observations du directeur du musée de peinture :
« Si nos salles inférieures compromettent la conservation des oiseaux empaillés, elles ne sont pas plus saines, pas plus propres à recevoir nos tableaux qui s’y perdent et que s’il faut absolument faire un choix, il vaut mieux offrir en sacrifice tous nos canards… et conserver nos chefs-d’oeuvre, on trouve chaque année de nouveaux oiseaux, tandis qu’il ne se fait plus des Mignard, des Ruisdaël, des Philippe de Champagne etc. ».
Le conseil s’arrête enfin aux dispositions suivantes : galeries de sculptures au rez-de-chaussée où l’ancienne chapelle retrouverait ses boiseries, musée archéologique près de la galerie David-d’Angers, cabinet d’histoire naturelle au premier, galerie de peinture à éclairage zénithal au second.
Conclusion des débats
L’état précis de la dépense manque de tout remettre en question : le devis primitif de 40 500 francs est doublé. « Fort émue », la commission d’examen du projet pense se rabattre sur un musée limité à un seul étage et reporter le cabinet d’histoire naturelle au jardin des Plantes. L’économie n’étant pas réelle, le premier projet est finalement conservé, et même amélioré par la construction d’un grand escalier central, destiné à desservir les galeries des différents étages. La visite terminée, on redescendrait par l’escalier flamboyant en vis.
Projet adopté le 16 août 1851. Conclusion de la commission : « Lorsque l’administration municipale aura fait exécuter cet ensemble de réparations, vous aurez à peu près tiré tout le parti qu’on peut raisonnablement attendre et demander à ces vastes bâtiments du logis Barrault […]. Très peu de villes en France seront à même de présenter un établissement aussi complet […]. Vous pourrez donc considérer ces travaux comme des dispositions suffisantes et définitives ».