Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 254, février 2002
Le développement des sports remonte à la fin du XIXe siècle. Pratiquée de tout temps, mais de façon dilettante, la natation commence à devenir compétition à Angers en 1907, lorsque le Racing-Club organise la première traversée de la ville à la nage (brasse ou marinière). Avec l’apparition des nages modernes, en particulier le crawl, le nombre des concurrents - et leur niveau - s’élèvent. Mais où pratiquer ce tout nouveau sport ?
C’est alors qu’un certain nombre de villes entreprennent la construction de piscines modernes. Paris avait ouvert la sienne – de délassement et non de sport – en 1884. Le premier établissement moderne de la capitale, celui de la Butte-aux-Cailles, date de 1924. Un plan d’aménagement d’une vingtaine de piscines est entrepris au début des années trente. En province, Roubaix inaugure en 1932 une splendide piscine de style « Art déco », aujourd’hui transformée en musée. D’autres voient le jour avant 1935 à Lyon, Tourcoing, Vienne, Limoges, Reims… et même à Méru (Oise), bourg de cinq mille habitants.
Baignades privées
Et à Angers en 1935 ? Il n’existait sur la Maine, en amont du pont de la Haute-Chaîne, que des établissements de baignade privés : ceux de la Natation angevine, du SCO et de la Natation angevine des familles. Leurs installations n’étaient praticables qu’à la belle saison. Aussi le docteur Barot, un maire en avance sur son temps, avait-il prévu dès 1913, dans son rapport général sur la ville, l’établissement d’une piscine municipale de natation, utilisant l’eau chaude déversée par l’usine électrique dans la Maine. Un emprunt était prévu pour sa réalisation en 1914…
Hélas vient la guerre. Le projet n’est repris qu’en 1932, à la suite d’une demande de la Natation angevine. Cette piscine d’ailleurs, dit-elle, sera un complément de la lutte à livrer en faveur de l’hygiène, contre les taudis : baignoires et douches individuelles ne se comptent pas par milliers à Angers et peu d’Angevins connaissent les joies du bain, ce qui fait écrire aux journalistes parisiens qu’à Angers, on ne se lave pas…
Projets différés
En 1934, l’architecte A. Mornet dresse un avant-projet de piscine, tandis que le plan d’aménagement urbain la situe toujours au voisinage de l’usine électrique. De nombreuses propositions sont envoyées par des sociétés spécialisées : finalement, la municipalité de Victor Bernier répond que le projet est différé, par suite des difficultés financières. Différé d’autant qu’une nouvelle guerre survient. Mais les sociétés sportives, sinon les Angevins, veulent leur piscine. Une maquette en est présentée à l’exposition sur les sports de l’eau, salle Chemellier, en 1943. Le Courrier de l’Ouest mène campagne dix ans plus tard. Tous ont sous les yeux l’exemple d’une ville voisine, Saumur, qui fait construire sa piscine. Lors des élections municipales d’avril 1953, chaque candidat est questionné sur le sujet.
La municipalité Chatenay, réélue, inscrit des crédits d’étude au budget de 1954, à la demande de l’adjoint aux Sports, Prosper David. L’emplacement retenu est la place Mondain-Chanlouineau, à l’emplacement du Palais des Marchands. On y prévoit des bains-douches, mais rien ne se passe. En février 1956, le conseil municipal reporte la piscine dans les bâtiments de l’ancienne manutention militaire (abbaye Toussaint), puis en juin dans le projet d’un parc des sports, à la Baumette. Pour obtenir une subvention de l’État, il fallait en effet présenter une étude susceptible d’être agréée par l’Éducation nationale. Le préfet Jean Morin pèse de toute son influence en faveur de l’aboutissement du projet.
Une piscine d'été
Alors qu’une piscine d’hiver était réclamée, une piscine d’été est mise en chantier en 1957. Seule concession : un bassin-école de 15 x 8 m, couvert et chauffé pour les scolaires. Deux bassins de plein air sont réalisés : l’un de 50 x 18 m pour l’homologation des records ; l’autre, dit de compétition, de 25 x 12,50 m. L’ensemble comprend aussi plages, des gradins pour mille spectateurs, pataugeoire, un bar et des salles de culture physique. Quoique désignée sous l’appellation de « piscine d’initiation scolaire », la piscine de l’Ecce-Homo, ainsi qu’on la nomme au début, sera à disposition de tous, en dehors de certains horaires réservés aux élèves.
La chaleur tropicale de l’été 1959 pousse à une ouverture précipitée le 18 juillet, sans autre inauguration officielle que la visite faite la veille par les autorités. Les travaux ne sont pas achevés. La pataugeoire est à sec et le jardin reste à planter. Le carrelage n’est pas posé autour du grand bassin : les remblais ne sont pas encore stabilisés, d’où quelques mécomptes lors de la construction et en 1961, après deux hivers. Quoique les bâtiments soient ancrés sur trois cents piliers de béton, à parfois dix-huit mètres de profondeur, ils souffrent d’avoir été établis sur des prairies inondables, dont le sol reste trop meuble. Chaufferie inondée, sols crevassés, bassins fissurés réclament des travaux d’adaptation et causent des remous au conseil municipal. Mais la piscine était bien là et le succès au rendez-vous.
Les six piscines municipales
- 1959 (juillet) : La Baumette (fermée à la fin de l'été 2013)
- 1968 (novembre) : Jean-Bouin
- 1974 : Monplaisir
- 1976 : La Roseraie (piscine de type « Plein soleil »)
- 1976 : Belle-Beille (de type « Caneton »)
- 1977 : André-Bertin
- 2014 : AquaVita (complexe aqualudique)