Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 246, mai 2001
Depuis 1475, Angers possède une municipalité. Sous l’Ancien Régime, elle est librement élue de 1484 à 1657, mais au suffrage indirect à deux degrés : les assemblées paroissiales élisent chacune deux députés à l’assemblée générale des habitants. Celle-ci, composée des trente-deux députés des assemblées paroissiales, de l'échevinage et des membres des administrations (présidial, sénéchaussée, grenier à sel…), des députés du clergé, des notaires, des avocats et des marchands, élit maire et échevins.
Après la rébellion de la ville pendant la Fronde, Louis XIV suspend les libertés municipales et nomme directement maire et échevins. Après 1661, c’est le gouverneur d’Anjou qui désigne maire (pour quatre ans) et échevins. Le système s’assouplit en 1729 : l’assemblée générale des habitants désigne trois sujets pour l’élection du maire. Les noms sont envoyés au gouverneur, puis au roi à partir de 1738, qui choisit parmi les proposés. Ainsi en est-il en 1743, avec la nomination de René Romain comme maire.
Voici le cérémonial de son installation, tel qu’il est consigné dans les registres de délibérations de l’hôtel de ville (Archives municipales, BB 134, f° 2-3). La cérémonie se déroule habituellement le premier mai, suivant une tradition remontant à 1485.
Après avoir prêté serment entre les mains du maire sortant, le nouveau maire reçoit
« une bourse de velours rouge aux armes de la ville dans laquelle sont les trois sceaux de la ville et les clefs des archives et des portes de la ville […].
Et ensuitte a esté mis entre les mains de monsieur le nouveau maire une paire de gants blancs et le bouquet [de violettes] deub par chacun an par le chapelain de la chapelle des Raizeaux […] en l’église de Saint-Jean-Baptiste de cette ville pour la tolérance du passage de la cassemate de Saint-Blaise et les petits bouquets et tambours verts fournis par les tambours ordinaires de cet hostel quy ont esté distribuez [à toute l’assemblée].
Et a esté aresté que monsieur le maire et les échevins assisteront à une grande messe quy se dira demain jeudy, neuf heures du matin, en l’église des Carmes de cette ville pour invoquer le Saint-Esprit affin qu’il bénisse la conduite de mesdits sieurs le maire et les échevins et fasse prospérer leurs bons desseins au service du roy et du public […].
Et à l’instant la compagnie s’est levée et tous messieurs les officiers de cet hostel sont sortis, les tambourgs apellans précédez des gardes, avec leurs cazaques et hallebardes, des huissiers et des connestables, monsieur Romain nouveau maire à leur teste et monsieur Jallet de La Veroullière ancien maire à sa droite, messieurs les échevins, conseillers, procureur de ville et secrétaire de cet hostel sont allez à l’église de Saint-Serge pour rendre grâces à Dieu desdites élections et nominations et baiser l’anneau de saint Brieuc et, en passant par les remparts, il a esté fait une décharge des boistes et artillerie quy estoient sur lesdits remparts et, après quoy, la compagnie est allée au chasteau faire les soumissions au roy.
A trouvé dans la cour la compagnie des invalides qui y est en garnison, en haye et sous les armes, les officiers à leur teste, et aussy monsieur le major du chasteau dans la cour dudit chasteau à quinze pas de l’escalier quy conduit à l’apartement de monsieur d’Autichamp, lieutenant de roy, lequel a dit que monsieur d’Autichamp, estant indisposé, ne pouvoit recevoir la compagnie, et monsieur Romain prenant la parolle, les nouveaux officiers ont renouvelé au roy le serment de fidélité entre les mains de monsieur le major […].
Et ensuitte la compagnie est revenue à l’hôtel de ville, où monsieur Romain nouveau maire luy a donné à disner et à tous les chefs des compagnies de la ville, et à plusieurs autres personnes de distinction. Et pendant le repas les boistes et artillerie de l’hôtel de ville ont fait plusieurs décharges en buvant à la santé du roy et monseigneur le gouverneur.
La compagnie n’est point allée à l’évesché, monsieur l’évesque estant à son chasteau d’Évantard ».