Vog, Vog, VOG !

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 309, février 2007

Dans le domaine de la mode enfantine, Vog’Pyrénées avait sa réputation, plus encore au niveau national que local. Ses collections bi-annuelles pour enfants et jeunes gens, de 4 à 18 ans, plaisaient par leur créativité.

Parapluies, liqueurs, cycles, meubles, chaussures : telles étaient - en dehors de la mono-industrie des filatures, corderies, tissage et câblerie Bessonneau - les grandes spécialités de l’industrie angevine de la première moitié du XXe siècle. Il faut également signaler l’industrie du vêtement, dont l’apogée se situe dans les années 1945-1970. En 1946, pas moins de dix-neuf usines de confection se partagent cette activité, telles - pour les principales - Carteaux, Georges Paillard, Dupire et Sabatier, Beauchêne, Bouillon, Rémy Delile, Riobé et Barbary, de Sazilly, Airaille, Laurenceau et Gay…

« Baby’Vog »

Il s’en ajoute une qui prend vite de l’importance : Vog’Pyrénées. La société est créée à Paris le 25 février 1947 par deux associés qui avaient acheté un magasin de tissus, Émile Lebaron et René Loury, tous deux demeurant à Angers. Le siège social est fixé au 353 rue des Pyrénées à Paris, d’où le nom de l’entreprise. Ce siège est rapatrié à Angers en 1949, date à laquelle la société dépose sa première marque : « Baby’Vog ». Elle se spécialise dans la confection haut de gamme pour enfants en bas âge - mais pas pour bébés -, puis s’oriente, du fait d’une conjoncture difficile, vers des articles pour enfants en âge scolaire jusqu’à 18 ans, avec la marque Vog’Junior déposée en 1958.

Pour créer son entreprise, Émile Lebaron s’est inspiré du magasin de sa soeur Jeanne Girard, « Au Petit Monde », 6 rue Chaussée-Saint-Pierre, qui proposait avec succès des vêtements pour enfants. Par la suite, il lui confie la diffusion exclusive pour Angers des marques Vog. Les débuts de l’activité sont très modestes, 10 place du Ralliement, au fond d’une cour partagée avec le restaurant « L’Entr’acte ». Il n’y avait que deux pièces. La fabrication commence par des tabliers pour écoliers, mais tout se fait alors à domicile. En mai 1953, le siège de la société est transféré 12 rue Valdemaine, puis en décembre 1954 dans de plus vastes locaux, achetés aux Éditions de l’Ouest, 17 et 19 boulevard Henri-Arnauld.

Couleurs et tissus variés

Le succès des deux collections annuelles pimpantes et pleines d’invention nécessite l’ouverture d’une usine à Rochefort-sur-Loire en 1965, vite réservée à la confection des jeans ; de bâtiments plus modernes et plus spacieux 17 quai Félix-Faure pour les ateliers d’Angers en 1968 et enfin d’une troisième usine, à Tiercé, en 1970, destinée à la fabrication des jupes fillette. Dans les années soixante-dix, l’entreprise compte deux cents salariés dans ses trois établissements, mais fait également travailler des façonniers en Vendée et dans le Choletais. Un magasin est ouvert à Nantes, à l’enseigne « Nos Petits ». Vog s’affiche tous les ans au salon de la mode enfantine à Paris, porte de Versailles, mais ne participe pas aux foires-expositions angevines. Le magasin de la rue Chaussée-Saint-Pierre suffit. Chaque année, les représentants de la société viennent à Angers pour discuter des collections. Créées par une modéliste, Mme Cerisier, elles comprennent environ une cinquantaine de pièces, « Qualité France ». La société travaille pour l’Assistance publique et exporte, particulièrement en Allemagne, Angleterre et Belgique.

Vog’Pyrénées, « toujours à l’avant-garde de la mode française », étudie de façon très approfondie coloris et dessins. Les tissus, choisis parmi les meilleures collections des fabricants français comme Boussac, Tacosa…, sont en majorité des « cotons Jumel » traités, irrétrécissables au lavage, infroissables. À Angers, la grande braderie annuelle organisée par Vog est attendue par toute la ville. Il y a tant de monde qu’un service de police est nécessaire. Tous les représentants viennent pour l’occasion. On pique-nique sur l’herbe.

Prenant sa retraite, Émile Lebaron vend l’entreprise en 1978 à un ex-ingénieur des Ardoisières, Adam. Celui-ci ne réussit pas à maintenir la barre, dans un contexte de rude concurrence. Mise en règlement judiciaire en août 1980, Vog’Pyrénées, devenue Vog’France, est reprise en location-gérance par le numéro 2 français de l’imperméable, Schnitzer, en mai 1981. Reprise éphémère cependant, Vog’France disparaît peu après.