Verneau : naissance d'un quartier

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 311, avril 2007

Au delà du faubourg Saint-Lazare et de la rue Barra, il y avait peu de constructions, la ville se terminait. C’était un plateau agricole, sillonné de chemins : les Grandes et Petites Pannes, le chemin d’Épinard et d’autres, chemins de champs autour de fermes, comme celle du Perrin.

En 1900, un champ de manoeuvre pour l’armée est aménagé en bordure de la route d’Avrillé, sur des terrains en partie boisés de chênes, vestiges du Bois-du-Roi, l’ancienne grande forêt de la Haye. Le défrichement est poursuivi plus au nord en 1908, avec la création d’un terrain d’aviation. Au sud, un quartier d’artillerie est édifié entre 1912 et 1920. On lui donne le nom du général Langlois, mais on ne sait aujourd’hui s’il s’agit du général de division Hippolyte Langlois (1839-1912) ou du général de brigade Arthur Langlois (décédé en 1910), directeur de la manufacture de Châtellerault. La caserne est encadrée par deux rues dénommées le 29 mars 1918 en l’honneur du capitaine aviateur Echemann et du général Lizé, polytechnicien, tous deux Angevins.

« Le Potager angevin »

Ce début d’urbanisation donne idée à deux Manceaux de créer une « grande ville de jardins » sur les terres maraîchères situées derrière la caserne. Ambroise Yzeux et Clovis Lebled fondent en décembre 1924 « le Potager angevin », société mutuelle immobilière de jardins ouvriers et lotissent cinq hectares de terrain répartis en 114 lots de 440 m2. De là l’origine des rues Yvonne, Thérèse, Yvette et Renée, prénoms de l’épouse de C. Lebled, de ses deux filles et de son fils, dont le prénom a été féminisé pour garder une certaine homogénéité dans les dénominations. Ces rues restent sans débouché pendant trente ans.

Affecté au génie, le quartier Langlois devient en 1947 la caserne Verneau, du nom du général Jean-Édouard Verneau, officier du génie, l’un des créateurs de l’Organisation Résistance Armée (ORA). Arrêté par la Gestapo le 23 octobre 1943, il meurt le 15 septembre 1944 en déportation au camp de Buchenwald.

Chantier-type

Après 1945, Angers connaît une grave crise du logement. Beaucoup d’immeubles n’ont pas été entretenus, d’autres ont été touchés par les bombardements. Les quartiers Saint-Michel, Saint-Nicolas, du quai Ligny… sont devenus d’immondes taudis. Tandis que l’on conçoit Belle-Beille, une idée germe à partir d’une offre d’acquisition faite à la Ville par la famille Fougerais de son terrain situé derrière la rue Yvonne : là « pourrait être édifiée une cité expérimentale de relogement qui permettrait de réaliser une très importante opération d’assainissement des quartiers insalubres ». Le 28 mars 1952, le conseil municipal accepte d’acheter, « dans un but d’hygiène », les 2,23 hectares de terrain, moyennant le prix de 85 F le m2.

En 1953, le terrain est remis à l’Office municipal de HLM, chargé de construire deux cent seize logements. La voirie et les réseaux seront aménagés par la Ville, de même qu’un groupe scolaire, avenue René-Gasnier, à l’emplacement d’un ancien bâtiment de la répurgation. On attaque les travaux le 10 septembre 1953. En mars 1954, une seconde tranche est déjà envisagée pour cent quarante nouveaux logements sur un terrain voisin, le long de la rue du Général-Lizé.

 

C’est que les travaux vont vite, grâce à la rationalisation entreprise sur ce « chantier-type ». Les menuiseries sont standardisées, les appareils sanitaires d’un seul modèle. L’architecte angevin Maurice Moca a conçu des immeubles avec une surface habitable maximale. Le type 1 se compose d’une salle commune, d’une cuisine, salle d’eau, WC, cave particulière, local commun à poubelles et voiture d’enfants. Le type 2 comporte en plus une chambre et un séchoir commun. Les types 3, 4 et 5 ont une, deux et trois chambres supplémentaires. Chacun des neuf bâtiments est élevé, sur sous-sol, d’un rez-de-chaussée et de deux étages, en moellons ardoisiers, parpaings isothermes en ciment et couverture en ardoises d’Angers.

La cité du Perrin-Verneau

Le 5 avril 1954, le ministre de la Reconstruction et du Logement, Lemaire, visite les chantiers d’Angers. Il a dû « surtout être conquis, note Le Courrier de l’Ouest, par la réalisation déjà visible de la cité Verneau qui est une cité de relogement à normes HLM réduites, exécutée selon le plan Courant » (Pierre Courant, ancien ministre de la Reconstruction).

À la fin de l’année, cette première tranche de constructions est achevée. On parle alors de la cité « Le Perrin-Verneau », rappel de la ferme des origines. Le groupe scolaire de l’avenue René-Gasnier, dénommé à l’origine comme la cité, ouvre ses portes le 3 janvier 1955. Le 18 janvier, la première famille prend possession de son logement à la cité du Perrin-Verneau : les Avril, qui vivaient depuis huit ans dans un taudis rue du Port-Ligny, avec une minuscule cuisine de 4 m2 sans eau et sans évier et pour chambre à coucher, une soupente… « Une nouvelle cité champignon était née, et avec elle une ère de bonheur allait commencer pour les sans-logis » titre Le Courrier de l’Ouest du 19 janvier 1955…