Le trésor iconographique de Robert Brisset

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 283, octobre 2004

Mise à jour : 6 février 2024

Cartes postales, photographies : plus de seize mille clichés couvrant deux siècles d'histoire de la ville. Tel est le trésor iconographique réuni entre 1949 et 1984 par Robert Brisset et transmis par son épouse aux Archives municipales en 1990. Il est consultable sur le site internet des Archives patrimoniales, www.archives.angers.fr 

Robert Brisset était un pur Angevin, comme il aimait le rappeler, depuis trois cent cinquante ans. Son arrière-grand-père, François Brisset, quitte La Pommeraye pour Angers en 1860 où il ouvre une boulangerie place du Château, dans l'immeuble qui est aujourd’hui le siège d’Angers-Tourisme. À la seconde génération, l’un des fils, Henri, fonde en 1889 un commerce d’épicerie en gros, transformé en 1908 en société anonyme d’alimentation générale. Ce sont les fameux établissements Brisset : trois cent cinquante succursales à la veille de la seconde guerre mondiale. À la génération suivante, l’aîné, Pierre, monte une belle affaire spécialisée dans les produits de régime, la société l’Aliment pur. Sa seconde épouse est très connue des Angevins, puisqu’il s’agit de « Christine », militante déterminée en faveur du logement social et fondatrice en 1950 de l’association des Castors angevins.

Le frère cadet de Pierre, Henri, hérite quant à lui de la boulangerie. Il avait épousé en 1912 Madeleine Thibault, lointaine parente de l’écrivain Anatole Thibault, en littérature Anatole France. Décédé de la grippe espagnole en 1918, il ne voit pas grandir son fils Robert, né en 1913, élevé entre sa mère et sa tante.

Chimie et pharmacie

Une première passion vient à Robert au cours de ses études à Mongazon : celle de la chimie, expérimentée dans un petit laboratoire au fond du jardin de la maison familiale. Il obtient une licence de chimie à l’Université catholique, ses diplômes de pharmacie à Angers et à Paris et passe avec succès en 1939 le concours de l’internat des hôpitaux. Après quelques années en région parisienne, il revient à Angers vers 1945 pour diriger les travaux pratiques de physique - chimie - biologie (PCB) à l'école de médecine, puis enseigner la toxicologie, sa matière de prédilection.

En même temps, il ouvre un laboratoire d'analyses médicales, 19 rue d'Anjou. Expert près des tribunaux, il s'attire une bonne réputation dans la recherche des toxiques, teste de nouveaux appareils, qu'il construit lui-même. C'est en tant qu'expert chimiste près la cour d'appel et expert analyste pour le contrôle des spécialités pharmaceutiques auprès du ministère de la Santé qu'il est promu chevalier de la Légion d'honneur en 1966.

Tout Angers en photographie

Quoique très occupé, Robert Brisset conçoit peu à peu le projet de constituer une grande collection iconographique sur Angers. L’idée lui en vient en 1949, lors d’un déjeuner en famille… Personne ne se souvenait plus de ce qu’il y avait eu avant la construction de la Maison bleue, en 1927-1928, à l’angle du boulevard et de la rue d’Alsace. Il fallait conserver la mémoire de l’évolution urbaine ! Le Photo-Club de l’Anjou l’aide dans cette entreprise. Avec de fidèles amis, Marteau, Barbé, Delfaut, Mattéi, Rameau… ; avec son épouse, mais aussi sa mère, dévouée collaboratrice, il furète partout dans les arrière-cours, sur les chantiers. Aucun quartier ne lui échappe.

De retour chez lui, il développe lui-même les clichés – d’autres le sont aux studios Bruel, rue Boisnet – les colle sur des fiches de bristol, les annote, place au dos le négatif dans une poche de papier cristal, les classe ensuite dans une grande armoire Louis XIII. « Quand je mets le nez dans mes documents, disait-il, je suis un peu comme le paysan angevin décrit par Marc Leclerc devant sa grande « ormoère » ancienne bourrée de souvenirs ». En même temps, il amasse une importante documentation historique sur sa ville, entre à l’Académie d’Angers, participe à la fondation des Amis du Vieil Angers en 1960 et aux activités du Syndicat d’initiative, organise les premières visites guidées d’Angers, de jour et de nuit. Roger Mattéi, conseiller municipal, s’inspire de ses idées pour envisager une photothèque municipale en 1969. Mais celle-ci ne voit pas le jour.

Des campagnes de prises de vue dans les collections publiques et privées donnent à son oeuvre l’allure d’une synthèse sur l’iconographie angevine. Les contretypes (copie d’un cliché photographique) qu’il a réalisés jouent aussi un rôle de sauvegarde documentaire. Grâce à l’une de ces copies s’est conservée l’image de la plus ancienne photographie connue d’Angers : le pont suspendu de la Basse-Chaîne, vers 1849.