Au restaurant, sous la IIIe République

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 271, septembre 2003

Depuis quelques années, les Archives municipales ont rassemblé une collection de menus. Elle vient d’être augmentée d’un ensemble provenant des archives de Marinette Rameau. On peut ainsi illustrer quelques bonnes tables angevines depuis les années 1880.


Angevins ou hôtes d’un jour avaient le choix, du plus aristocratique au meilleur marché. La grande adresse d’Angers est incontestablement le restaurant de l’hôtel du Cheval-Blanc, hôtel qui existait déjà au XVe siècle. Tous les guides le mettent à la première place et Curnonsky, dans son Guide des merveilles culinaires et des bonnes auberges françaises, paru en 1921, lui consacre un chapitre entier. « Potage Windsor, ris de veau portugaise, noisette de sanglier, laitues farcies, gogues, véritable gruyère à pâte grasse (sans yeux), pâtisseries » : tel fut son repas.

Dans le même guide, Curnonsky cite comme bonnes tables, mais ne cherchant « nullement à rivaliser pour la cuisine avec le Cheval-Blanc », le restaurant de l’hôtel d’Anjou, le café de l’Entracte place du Ralliement (à l’emplacement des vêtements Devred), la pâtisserie Maresquier (sur le boulevard) et Le Bon Coin, rue Bressigny.

Autres bonnes adresses : le restaurant du Théâtre de Monigatty rue des Deux-Haies, le Chapon fin rue Saint-Laud – qui multiplie les réclames à la fin du XIXe siècle, les restaurants des hôtels de la place du Ralliement : l’hôtel Saint-Julien et le Grand-Hôtel, dont les menus - très bourgeois - sont publiés dans les journaux et peuvent être servis en ville.

Voici celui du 25 septembre 1892 :

« Brunoise au consommé
Hors d’œuvre
Saumon sauce hollandaise
Râble de lièvre sauce poivrade
Côtes de veau à la Toulouse
Oisons rôtis aux marrons
Salade de chicorée sauvage
Salsifis frits
Bavarois au chocolat
Dessert »

Dans l’entre-deux-guerres et après, les restaurants de l’hôtel de France, de la Croix-de-Guerre (rue Châteaugontier), le Vert-d’Eau (sur le boulevard) et le Welcome, tenu par les Bouzy, connaissent leur heure de gloire.

Pour manger à petit prix (le dîner au Grand-Hôtel est à 4 F en 1892 , au Chapon fin à 2,50 F), et plus rapidement, il y avait par exemple l’Abeille dorée, rue Lenepveu : « le meilleur marché de tout Angers, plats à partir de vingt centimes » selon une réclame de 1912. Des restaurants coopératifs ouvrent à partir de 1917. En Reculée, les guinguettes servent à toute heure casse-croûte, matelotes et fritures.