Angers - 6e génie : une complicité de 110 ans

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 282, septembre  2004

Figures principales de l'insigne du 6e régiment du génie - enserré par l'ancien casque des sapeurs, l'ancre et les cordages des pontonniers - la cathédrale et le château d'Angers illustrent les liens étroits qui unissent le régiment à sa ville d'attache, depuis 1894.

Angers, autrefois l'une des principales places fortes de France, a toujours été ville de garnison. Les régiments s'y succèdent très rapidement, jusque dans les années 1870 qui voient la création du 135e régiment d'infanterie (1873), puis celle du 2e régiment d'artillerie-pontonniers (1878). Le premier s'identifie durablement à la ville, mais est dissous en 1928. Le second conquiert aussi immédiatement les sympathies de la population. Il s'installe dans la nouvelle caserne Éblé, achevée en 1881. C'est donc la désolation lorsque l'on apprend sa dissolution par la loi de réorganisation militaire du 29 juin 1894. Les pontonniers sont remplacés par deux nouveaux régiments du génie, les 6e et 7e régiments qui s'installent respectivement à Angers et en Avignon. Le régiment d'Angers est constitué à partir de bataillons du 1er régiment du génie de Versailles et de compagnies issues du 3e bataillon du 3e régiment d'Arras.

Mariage d'inclination

Désolation de courte durée. Au lendemain de son installation le 1er octobre 1894, le 6e génie est reçu à la mairie par ce discours du maire Guignard : « J'ai l'honneur de vous recevoir dans la salle des mariages. La ville d'Angers est veuve depuis quelques jours de son beau régiment de pontonniers. Elle le pleure. Mais les veuves ne sont pas inconsolables. La municipalité contracte aujourd'hui un mariage d'inclination avec le régiment du génie... ».

Le mariage connaît quelques difficultés de jeunesse... Le génie ne veut pas cohabiter avec les compagnies d'infanterie logées à la caserne Éblé. La Ville est donc obligée de participer à la construction d'une nouvelle caserne, Desjardins, inaugurée en 1904. C'est aussi en 1895 l'affaire de l'établissement du polygone d'entraînement du génie, en Saint-Laud. Le conseil municipal ne souhaite pas - en vain - voir dilapider ces terrains très fertiles.

Mariage réussi cependant. La population assiste avec plaisir aux entraînements du génie à l'école des ponts de la Maine, près du Roi-de-Pologne. L'école du génie, créée dès 1894 au côté du 6e régiment, enseigne terrassements, maniement d'explosifs, construction de ponts de bateaux... En 1897, le régiment organise un simulacre de guerre souterraine. Ce sont surtout les grandes inondations de 1910 qui le lient à sa ville et au département. Son concours est décisif pour maintenir certaines parties de la levée de la Loire. Partout les sapeurs apportent réconfort, sérénité et secours dans des cas parfois extrêmes, comme lors de l'effondrement du pont du Thouet près de Montreuil-Bellay, au passage d'un train. Onze rescapés sur le toit d'un wagon sont sauvés grâce à de délicates manoeuvres.

Angers, capitale du Génie

En un siècle, le 6e Génie conquiert toute la ville et plus que des sympathies. Reconstitué en 1946 après la seconde guerre mondiale, le 6e cède la caserne Éblé à la nouvelle École d’application du Génie créée en 1945 et s’installe au quartier Langlois, rebaptisé caserne Verneau. Toutes les casernes angevines sont désormais aux mains du Génie : la caserne Espagne (place La Fayette) sert d’annexe pour l’EAG, la caserne Desjardins abrite la musique et le centre d’instruction des jeunes recrues. Depuis, Espagne et Desjardins ont été supprimées, mais on a construit Berthezène aux Gaubourgs pour remplacer la première. En 1995, la présence du Génie s’est renforcée par le transfert à Angers de l’École supérieure du Génie militaire de Versailles, fusionnée avec l’EAG.

Grâce à ses atouts - la présence du 6e depuis 1894, une situation favorable près de deux grands cours d’eau et la proximité des écoles militaires de Saumur, Coëtquidan et Saint-Maixent -Angers est devenue capitale du Génie. « Madagascar, Marne, Verdun, Aisne, Champagne » sont inscrits sur le drapeau du 6e. Aujourd’hui, sa vocation est de répondre aux missions d’intervention militaires et humanitaires dans l’urgence : Liban, Tchad, Balkans, Afghanistan, Côte d’Ivoire…