Le premier hôpital

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 438, avril-mai 2021

Où se faire soigner à Angers en 1100 ? Il n’y avait guère que quelques infirmeries monastiques, puisque l’hôpital que tout chapitre cathédral se devait d’entretenir, d’après une règle édictée sous Louis le Pieux, ne semble pas avoir eu d’existence. Au XIIe siècle se fondent deux léproseries et trois aumôneries.

Vers 1175, une aumônerie d’un genre nouveau voit le jour, dédiée à saint Jean l’Évangéliste, à l’initiative du sénéchal du comte d’Anjou, Étienne de Marçay. Il y jette toutes ses forces et toutes ses ressources financières - « multis laboribus et expensis », rappellera son fils Philippe de Ramefort – et réussit à convaincre l’abbesse du Ronceray de lui donner des terrains suffisants, bien situés le long de la Maine, sous l’église Saint-Laurent. Ainsi la fondation pourra être facilement desservie par voie d’eau. En janvier 1181, le pape Alexandre III lui accorde sa protection, tout comme, vers la même année, le comte d’Anjou. Ce sont les premiers textes qui évoquent l’« aumônerie angevine ». Henri II Plantagenêt se préoccupe alors de favoriser semblables fondations hospitalières sur ses territoires, à Caen et au Mans. En lui remettant tout le système hydraulique de barrages, d’écluses et de moulins (le futur pont des Treilles) qu’il vient de créer en amont du Grand Pont, il fait en 1181 au nouvel établissement angevin une donation capitale pour assurer son existence. Il lui attribue encore des rentes en ville, des terres et des bois ainsi qu’une partie des péages du Grand Pont.

Sous ces hauts patronages, le sénéchal Étienne de Marçay travaille sans cesse à agrandir son oeuvre. Une charte de l’abbesse du Ronceray, de 1188, récapitule les différentes donations qui constituent l’enclos de l’hôpital : le terrain où sont bâtis chapelle, cloître et salle des malades, un espace dans le cimetière Saint-Laurent, les prés le long de la Maine vers Reculée avec un lavoir pour le linge des malades et enfin les caves sur lesquelles seront édifiés les greniers. Dans les années 1190, Philippe de Ramefort fait aménager un cimetière pour les pauvres (place de la Paix).

 

La salle des malades est attestée en 1188, mais son voûtement ne date sans doute que du début du XIIIe siècle. La chapelle est consacrée vers 1195. Le fondateur meurt au milieu de sa communauté vers 1190. Elle se met sous la conduite d’un prieur au début du XIIIe siècle et adopte la règle de saint Augustin. Trente religieux, religieuses et frères laïcs y vivent alors, au service des pauvres et des malades. Les contagieux et incurables ne sont pas accueillis.

L’entrée de l’hôpital est à l’inverse de l’entrée actuelle : la porterie ouvre sur une cour, bordée par le logis du prieur et des religieux, qui conduit au cloître. Par une porte située près de la chapelle, on entre dans la grande salle, divisée en trois vaisseaux : celui du sud est réservé aux hommes, au nord sont les femmes. Devant la façade actuelle de la grande salle se trouve alors le grand cloître, destiné aux religieux. Du côté nord logent sacriste et chapelains ; au sud, les religieuses.

Malgré de nombreuses vicissitudes, l’hôtel-Dieu reste en fonction dans ses bâtiments du Moyen Âge jusqu’en 1865. Le 15 décembre, les malades sont transférés vers le nouvel hôpital Sainte-Marie, actuel CHU. Aujourd’hui, les bâtiments de l’ancien hôtel-Dieu Saint-Jean forment le plus beau témoignage de l’architecture hospitalière du Moyen Âge en France pour les XIIe et XIIIe siècles.