Le fleurissement d'Angers

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers, n° 433, septembre 2020

Mise à jour : 14 mars 2023

« Angers, ville des fleurs »… L’expression remonte à 1842 quand le Comice horticole organise sa première exposition de roses au jardin fruitier (actuel jardin des Beaux-Arts), première exposition du genre en France. Toutefois la Ville n’a pas encore de politique de fleurissement, les parterres restent rares et les particuliers n’ont pas l’habitude de mettre des fleurs aux balcons. D’ailleurs, un arrêté municipal de 1813 l’interdit, pour des raisons de sécurité. Tout de même, les premières fêtes des fleurs apparaissent dans les années 1880, en 1887 dans la Doutre. Celle de 1894 est sans doute la plus grandiose, mais les fleurs ne sont qu’un prétexte. Le clou de la fête, ce sont bien les courses de taureaux !
 

Premiers concours de balcons fleuris

En 1906, le conseil municipal décide d’instituer un concours de balcons fleuris. « Depuis quelques années, une heureuse innovation s’est répandue dans plusieurs villes de France et notamment à Paris : c’est la décoration florale des balcons. Nous avons pensé, indique le rapporteur du projet, qu’Angers – ville des fleurs – ne pouvait rester indifférente à ce mouvement et que l’exposition qui va s’ouvrir offrait une occasion toute naturelle et vraiment opportune de montrer aux étrangers le goût affiné des Angevins pour la culture des fleurs et le souci qu’ils ont de justifier en tous points le bon renom de leur belle cité. » Deux cents francs sont votés, des conseils donnés dans la presse. L’arrêté de 1813 est rapporté.

Ce premier concours est une réussite et la presse se félicite de « la grande ingéniosité » et du « goût parfait dont firent preuve les concurrents ». Certains commerçants ont rivalisé de zèle, comme Cimetière, directeur de l’Hôtel Continental, rue Saint-Julien, qui fait installer « la lumière électrique pour ses balcons ornés et fleuris ». Le goût des fleurs se propage aussi grâce aux grandes fêtes des fleurs de 1913 et 1914, puis de 1923 et 1925. La Société d’horticulture reprend le concours des balcons fleuris, la Ville attribuant les médailles. Le service des Parcs et Jardins prend de l’ampleur. En 1933, le jardinier chef, André Fresneau, et son équipe de vingt hommes produisent 200 000 plants de fleurs pour les massifs des jardins, squares et écoles. Le jardin du Mail, le plus gourmand de tous, en réclame 60 000.

Renforcer les efforts

Ce n’est pas assez, déclarent les horticulteurs et pépiniéristes du conseil municipal. Il faut mettre des balconnières au théâtre, inciter les commerçants, cafetiers et restaurateurs, à fleurir leur terrasse. D’autant que la Ville doit accueillir en 1937 la grande Fête des Vins de France ! Le conseil révoque l’ancien règlement de police interdisant de laisser grimper le long des maisons particulières des plantes ornementales et, en mai 1937, vote un système de primes pour les commerçants.

La « propagande » pour les fleurs, comme on disait à l’époque, reprend avec plus d’intensité dans les années cinquante. La revue La Maison française crée le prix de la Maison fleurie en 1950. Angers s’y inscrit en 1953. Le 13 octobre, les prix sont remis à l’hôtel de ville, avec le concours du Syndicat d’initiative et de la Société d’horticulture. Parmi les lauréats, le magasin de volailles et gibiers de Mme Lélu - Au Jardin de l’Anjou, place Louis-Imbach - est remarqué. C’est le premier à avoir arboré des géraniums lierre. Le cafetier Poilpré, 116 rue de Frémur, est également distingué, pour la même raison.

 

Une succession de prix

Une saine émulation amène la Ville à multiplier les parterres. Ceux de la cour de la gare Saint-Laud sont très soignés. À partir de 1960, Angers participe au concours des villes et villages fleuris dans le cadre de la campagne « Pour fleurir la France ». Les prix remportés sont d’abord honorables, 4e prix, puis 3e, 2e, jusqu’au « hors concours » de 1967. Les années soixante sont très fleuries. Certaines villes, comme Orléans, créent des floralies extraordinaires. De son côté, Angers organise de grands corsos fleuris, sur un rythme à peu près triennal : 1959, 1963, 1966, 1969.

 

En 1972, Angers reçoit le panneau à trois fleurs des villes fleuries. En 1984, la ville gagne sa quatrième fleur, lors de la 26e campagne « Fleurir la France ». Mieux encore, en 1988, elle remporte avec Nantes, dans sa catégorie des villes de plus de 80 000 habitants, le Grand Prix national de fleurissement, la consacrant ville la plus fleurie des villes fleuries. Elle est donc choisie l’année suivante pour représenter la France au premier concours européen des villes fleuries. Jean-Claude Antonini, adjoint au maire à l’environnement, mène une politique choc : mise en place en 1988 d’un concours spécifique, « Fleurissons Angers », le concours des maisons fleuries devenant trop lourd ; budget de 450 000 francs pour le fleurissement 1989. 30 000 plantes supplémentaires portent le « parc » fleuri à 230 000, à quoi s’ajoutent 340 balconnières, 110 jardinières de béton, 40 potences fleuries appelées « babilonias ». 700 m2 de massifs supplémentaires sont aménagés, ainsi que 18 jardins mobiles.

Les résultats sont en proportion ! Une délégation de professionnels nippons vient étudier le fleurissement des plus belles villes européennes. Angers figure sur leur parcours, de Paris à Chenonceaux, Bruges, Bruxelles, Amsterdam et Londres. Et le 16 septembre 1989, Angers reçoit le Premier Prix européen du Trophée international de l’entente florale. Depuis, la ville a toujours gardé son label « quatre fleurs » et même obtenu la Fleur d’Or en 2016 et 2017, le prix le plus convoité du Comité national des villes et villages fleuris. Les critères d’obtention portent aujourd’hui, et depuis plusieurs années, autant sur le fleurissement que sur la préservation de l’environnement : diminution de la consommation d’eau, diversité végétale, zéro phyto, entretien des espaces naturels.