La première cour d'appel

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, Conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 434, novembre 2020

La loi de ventôse an VIII (mars 1800) signe l’acte de naissance du tribunal d’appel d’Angers, qui reçoit par un sénatus-consulte du 18 mai 1804 le nom de cour d’appel. Son ressort s’étend à trois départements : Maine-et-Loire, Sarthe et Mayenne. C’est encore son ressort actuel. Sous l’Ancien Régime, l’ancêtre de la cour d’appel est le présidial. Au premier échelon de la hiérarchie judiciaire, le tribunal de la prévôté juge les causes ordinaires civiles des roturiers et reçoit l’appel des sentences des justices seigneuriales de son ressort. À l’échelon supérieur, la sénéchaussée juge en appel.

Un souci d’efficacité porte Henri II à renforcer l’organisation de la justice par son édit de création des présidiaux, en janvier 1552, dans chaque sénéchaussée ou bailliage, l’équivalent de la sénéchaussée dans le nord de la France. Les présidiaux doivent servir de tribunaux d’appel rapprochés et juger en dernier ressort certaines causes. Leurs appels relèvent des parlements : de celui de Paris pour Angers.

Les lettres particulières de création du présidial d’Angers sont signées à Reims, le 15 mars 1552. Elles sont présentées au conseil de ville du 27 mai 1552 par l’échevin Jean Gohin. Pour les obtenir, il s’était rendu à la cour avec Guillaume Lesrat – qui sera le premier président de la nouvelle institution – et Guy Lasnier, futur maire de la ville.

À Angers, le présidial est installé le 11 juillet 1552*, dans le « Palais », construit en 1538 pour les cours de justice de la ville, sur la principale place, la place des Halles (actuelle place Louis-Imbach) : dans leur délibération du 28 juin, les échevins députent maître Jean Gohin, sieur de La Belotière, « quant à aller à huytaine à Tours quérir et acompaigner le lieutenant général du bailly de Touraine et icelluy amener loger en l’hostel et maison de cestedite ville pour, suyvant son atache, asseoyrs le siège présidial le lundi unziesme jour de juillet prochainement venant » (Archives patrimoniales, BB 26, f° 122 r°).


Les magistrats du présidial font partie de la meilleure bourgeoisie. Beaucoup appartiennent également au conseil de ville. Dans les cérémonies, ils ont le pas sur toutes les autres communautés laïques. Ainsi se trouvent-ils, après les ordres ecclésiastiques, les plus proches du Saint-Sacrement lors de la procession du Grand Sacre, au jour de la Fête-Dieu. Des querelles de préséance ont fréquemment éclaté entre magistrats municipaux et du présidial. En 1584, un arrêt rendu au Parlement de Paris ordonne que si, en l’hôtel de ville, le maire et les échevins précéderont les officiers du roi et tous autres de la justice, dans les autres cérémonies, les magistrats du présidial passeront devant. En 1652, Louis XIV permet à ces derniers de porter robe rouge, comme pour les magistrats des cours souveraines, en raison de leur fidélité pendant la Fronde.

* Et non le 20 ou le 22 juin, comme il est généralement indiqué.