Les premières salles de cinéma angevines

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 241, décembre 2000

Mise à jour : 26 mai 2023

La première séance publique de cinématographe se déroule à Paris le 28 décembre 1895, au sous-sol du Grand-Café. Six mois plus tard, le 1er juillet 1896, un opérateur des frères Lumière vient présenter la magique invention à Angers, au premier étage du café Gasnault, place du Ralliement.

Le lendemain, le journal Le Patriote de l’Ouest s’exclame : « C’est tout bonnement merveilleux, et l’illusion de la vie est complète ». Devant l’enthousiasme, le cinéma reste à Angers jusqu’au 6 août, prolongeant de deux journées son séjour. Au programme, des films de Louis Lumière ou de ses opérateurs : L’arroseur, Une place de Lyon, L’arrivée du train, Une baignée en mer, Concours hippique, Les Champs-Élysées

Pendant une dizaine d’années, le cinéma reste essentiellement une activité de plein air, offerte par les grands cafetiers d’Angers à leur clientèle. Quelques représentations temporaires, mêlées à d’autres spectacles, ont lieu au cirque-théâtre. Le 4 décembre 1907, la mairie autorise des représentations cinématographiques et des soirées dansantes dans l’établissement de J. Vercolier, 57 rue Baudrière.

Premières salles

Le premier cinéma permanent, quoique saisonnier, ouvre ses portes au cirque-théâtre le 15 décembre 1907 : Serge Sandberg, directeur du Cinéma-Théâtre, société parisienne concessionnaire du cinématographe Pathé, loue la salle pour 15 000 F par an. La saison commence en octobre et s’achève au printemps.

Un an plus tard, jour pour jour, s’ouvre une nouvelle salle à Angers, 3 rue Saint-Denis, à l’enseigne des Fantaisies angevines ou Fantaisies-Cinéma. Pour présenter des films plus artistiques et littéraires qu’au cirque-théâtre, la société du Cinéma-Théâtre Pathé loue cette petite salle, où l’on pouvait aussi donner quelques spectacles de théâtre ou des concerts. Insérée dans le Grand-Hôtel (actuelles Galeries Lafayette), son rez-de-chaussée compte un peu plus de trois cents places et une petite scène de 3,10 mètres de profondeur. L’écran mesure 4,50 mètres. À l’étage, un balcon et deux petites galeries latérales peuvent encore recevoir une centaine de spectateurs. Les projections sont données depuis une cabine ininflammable. Un orchestre, « composé des meilleurs virtuoses » de la ville accompagne les films.

Comme au cirque-théâtre, les projections sont saisonnières. Pour leur reprise le 1er octobre 1909, la presse salue « le confortable de la salle », « la valeur des spectacles qui comprendront les dernières actualités ». Drames, voyages, comédies-chants « alterneront aux programmes qui seront complètement renouvelés le mardi et le mercredi de chaque semaine ». Le directeur, P. Marcovici, ne ménage pas sa peine pour offrir des spectacles de premier ordre. Il y a foule pour Notre-Dame-de-Paris en 1911 et surtout pour Quo Vadis en 1913. Jean Durtal, dans ses souvenirs d’enfance, évoque sa joie de se rendre aux Fantaisies chaque jeudi, « avec des billets réduits du chocolat Poulain ».

Les cinémas en 1914-1916

À la veille de la première guerre mondiale, Angers compte quatre cinémas : les Fantaisies angevines, le cinéma du cirque-théâtre, le Saint-René (cinéma du patronage Notre-Dame-des-Champs installé en 1913) et probablement le Cinéma-Palace, 57 rue Baudrière (mal connu). Une enquête de la mairie indique que le commerçant Joubert doit ouvrir un cinéma 22 boulevard de Saumur, en septembre 1914. La guerre contrarie ce projet. Le cinéma Joubert n’est ouvert au public que le 13 avril 1916, sous le nom de Variétés-Cinéma, puis de cinéma des Variétés, appelé à devenir le plus populaire d'Angers. En 1916 s’ouvre aussi le Victoria-Cinéma, rue Saint-Laud (à l’emplacement de l’Alcazar). Mais le plus important cinéma de la ville pendant la guerre n’est autre que celui du Grand-Théâtre, qui remplace les saisons théâtrale et lyrique.

En 1921-1922, la société des Chocolats Poulain fait construire le Familia, rue Louis-de-Romain (futur Palace), premier bâtiment entièrement conçu pour l’usage du cinéma.