Les débuts du sport à Angers (1875-1931)

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 225, avril 1999

Maurice de Farcy, Victor Dauphin, René Gasnier, Julien Bessonneau, André Bertin..., le sport angevin, véritablement né vers 1900-1910, a ses grandes figures.

La pratique du sport, si l'on excepte la période antique, n'a pas plus d'un siècle. En 1889, le Dictionnaire des Dictionnaires de Paul Guérin donne cette définition du terme "sport" :

"Mot emprunté de l'anglais qui sert à désigner toute sorte d'exercices et d'amusements de plein air, courses de chevaux, joutes sur l'eau, chasses à courre, gymnastique… En France, se dit surtout des courses de chevaux".

Au début de la IIIe République, deux événements marquent l'année "sportive" angevine : le Concours hippique et les courses au Mail. Le Concours hippique a lieu au Champ de Mars, couvert d'importantes installations de piste et de tribunes. Trois jours durant, le week-end de Pentecôte, c'est une fête mondaine où l'on fait assaut d'élégances : Messieurs en jaquette, guêtres, "huit reflets", gants mastic et baise-main de rigueur. Chez les dames, toilettes claires, une pour chaque jour. Chaque saison, la "société" se retrouve aussi à l'hippodrome d'Éventard, depuis 1864.

Angers capitale du cyclisme

Les courses vélocipédiques du Mail, organisées par le Véloce-Club à partir de 1875, sont plus populaires. De fait, Angers est avec Bordeaux et Grenoble l'un des trois berceaux du cyclisme français. Un journaliste averti de La vie au grand air a même pu écrire en 1880 qu'Angers était "la véritable capitale du cyclisme en France". Avant le Championnat de France (1881) est créée à Angers en 1876 l'une des plus importantes courses de vitesse du calendrier cycliste : le Concours international, devenu en 1901 le Grand Prix d'Angers, "au palmarès étincelant et de renommée nationale".

N'oublions pas les sports de l'eau avec Angers-nautique (1893) et l'Union de la Voile et de la Vapeur d'Angers (1898) fondée sous l'impulsion de Maurice de Farcy, le grand animateur de la plupart des manifestations sportives angevines au début du siècle, jamais à court d'invention. En 1896, il fait disputer une course entre six canots automobiles de sa construction, première course de ce genre en France.

Démarrage du sport : l'année 1903

Le 17 juillet 1903 - date mémorable - passe à Angers au crépuscule la dernière étape du premier Tour de France cycliste, créé par Henri Desgranges et Louis Cointreau. Une trentaine de spectateurs assistent au contrôle installé au Café du Sport, siège du Véloce-Club, et encouragent l'Angevin Salais.

En 1903 encore, l'un des premiers journaux sportifs français, le Monde sportif, fait organiser par son correspondant local le premier Tour d'Angers à la marche : 16 km.

En 1903 toujours, est créée la première société de sports athlétiques, le "Racing-Club Angevin". Les organisateurs se procurent un pré sur le chemin de la Meignanne pour pratiquer le rugby, car il n'y a pas de stade à Angers. De cette initiative sort en 1909 l'Angers-Université-Club qui s'intéresse surtout au football.

En ce début de siècle, la gymnastique prend son essor, à la société de la ville fondée dès 1875 et dans les patronages qui, tous, ouvrent une section de gymnastique. La création de nouvelles sociétés permet d'organiser en 1909 une grandiose fête fédérale de l'Union des Sociétés de gymnastique, sur le champ de Mars.

Débuts du journalisme sportif

En 1907, une petite société de nageurs organise "au grand étonnement du public" la première traversée d'Angers à la nage, rééditée l'année suivante avec succès. Les débuts prometteurs de toutes ces manifestations déterminent le Petit Courrier à inaugurer en juillet 1908 une parcimonieuse rubrique sportive avec Victor Dauphin et Charles Duvivier. Ceux-ci prennent en main l'organisation de la Traversée d'Angers. "À cette époque-là, il n'y avait à Angers aucune école de natation. Trouver un contingent de nageurs suffisamment résistants pour couvrir 1 800 mètres à la brasse, seule pratiquée, était un gros problème. Et je me souviens d'avoir, avec le père Brillet et Quilly, battu les quais, les rives de Reculée, interpellant les mariniers et les décidant à s'engager".

L'aviation

Le Petit Courrier s'engage plus avant en faveur du sport et reprend à son compte le Tour d'Angers en 1910. L'aviation participe aux sports naissants. Présidé par Maurice de Farcy, l'Aéro-Club de l'Anjou (1907) donne des séances d'aérostation tandis que René Gasnier expérimente son aéroplane. Après ses succès, il organise un meeting d'aviation terminé par la première course d'aéroplanes de ville à ville, Angers-Saumur, le 6 juin 1910.

En 1912, l'Aéro-Club de France institue son premier Grand Prix et en confie la réalisation à René Gasnier, sur le circuit aérien Angers-Cholet-Saumur, à couvrir plusieurs fois. Roland Garros y triomphe malgré un temps détestable.

CSB et SCO

L'industriel Julien Bessonneau était passionné d'aviation et de sport. En 1912, il fonde le Club sportif Bessonneau pour les ouvriers de ses usines et inaugure une superbe salle de gymnastique rue Montaigne. Son fils poursuit son oeuvre et fait édifier le stade de la rue Saint-Léonard, devenu le stade Jean-Bouin. Sur ce terrain évolue l'équipe de football du Club Sportif Bessonneau, championne de l'Ouest de division d'honneur. "Les noms de Mathieu et Poremba, Bernath, Sauters, sans oublier le populaire Angevin Lévêque dit Chonchon eurent dans tout l'Ouest une renommée incomparable. Lévêque fut remarqué par les sélectionneurs nationaux pour faire partie de l'équipe de France B".

Cette équipe passe en 1931 au Sporting-Club de l'Ouest (SCO) fondé en 1920 par les banquiers Fortin et installé avenue René-Gasnier sur un stade mis à sa disposition par le Crédit de l'Ouest. Directeur du SCO depuis 1927, le colonel Bertin le transforme en l'un des plus grands clubs omnisport de province.

Athlétisme, natation, tennis se développent. Hockey et basket-ball apparaissent. Enfin, grâce à la fusion du Véloce-Club et du Moto-Vélo-Doutre Angevin, les cyclistes voient leurs désirs comblés en 1922 par la construction d'un vélodrome permanent rue Montesquieu, sur les plans de l'ingénieur angevin Fatou.

Mise à jour : 9 février 2023