Le grand moulin de Pierre-Lise

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 204, mars 1997

Angers était autrefois ville de moulins : moulins à eau surtout dans les premiers siècles du Moyen Âge, puis moulins à vent - dont on a la première mention en 1339 - jusqu'au dernier successeur, la minoterie industrielle des Grands Moulins, promenade des Fours-à-Chaux, elle-même démolie en 1984. Des documents inédits, retrouvés dans le dossier du chemin de Saint-Barthélemy, permettent de se représenter parfaitement l'un d'entre eux, le Grand Moulin de Pierre-Lise.

Les quartiers de Pierre-Lise et de Gâte-Argent, dominant légèrement le faubourg Saint-Michel, ont toujours été terre d'élection de moulins. Le premier moulin à vent que l'on connaisse par les archives, en 1339 , est précisément un moulin situé à Pierre-Lise et appartenant à l'hôtel-Dieu Saint-Jean, qui avait grand besoin de farine fraîche pour nourrir ses malades.

Le Grand Moulin de Pierre-Lise, quant à lui, apparaît dans les documents dès 1499. C'était sans doute déjà un moulin chandelier et il est mentionné comme tel en 1543. Les dessins inédits de 1843, avant sa démolition, montrent encore un moulin chandelier : sur une base de terre et de pierre et sur un pivot s'élève le moulin, entièrement en bois. Cette facilité de construction a peut-être favorisé l'établissement de ce type de moulin à Angers, où il était très répandu, comme l'a montré Christian Cussonneau. Le moulin de Gâte-Argent, dont la base a été conservée dans le plan de restauration du quartier, était aussi de ce type.

Le plan du géomètre Thibaudeau, en 1704, montre des faubourgs riches en moulins : Pierre-Lise, Madeleine, Saint-Lazare… La période faste des moulins s'éteint au XIXe siècle, devant les progrès techniques. Le recensement de l'an II (1793-1794) en dénombre 67. Il n'y en a plus que 47 sur le cadastre de 1840-1842, 23 d'après les carnets de patentes des édifices industriels de 1864.

Entre ces deux dernières dates, le Grand Moulin de Pierre-Lise a cessé de fonctionner. Le projet de redressement du chemin vicinal de grande communication vers Saint-Barthélemy, la nécessité d'avoir une voie convenable pour conduire au futur cimetière de l'Est ne se sont point accomodés de la saillie qu'il faisait sur le chemin. La Ville achète l'ensemble de la propriété 10 500 francs au meunier Pierre Marchand en 1843 et la revend le 26 octobre de la même année pour 2 550 francs, à charge pour le nouvel acquéreur de démolir les parties se trouvant dans l'alignement du chemin.

Le procès-verbal d'estimation du 14 février 1843 donne une description du moulin : Un moulin dit à chandelier avec meules, viroir, rouet etc. L’arbre est hors de service. Ce moulin est en mauvais état, les escaliers et parois du moulin sont en chêne vermoulu. Le tout est très vieux. Le moulin est placé sur une butte ou massif de terre revêtu de maçonnerie. On arrive sur cette butte par des escaliers en pierre. Sous la butte sont des caves voûtées.

Le nouveau propriétaire ne fait démolir que les parties se trouvant dans l'alignement du chemin et aujourd'hui, la butte du Grand Moulin de Pierre-Lise subsiste encore. On l'aperçoit parfaitement sur les photographies aériennes et depuis la rue Montaigne.