La vie théâtrale à Angers. Acte III, 1914-1996

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 200, décembre 1996

La guerre de 1914-1918 interrompt les saisons théâtrales. Celle de 1914-1915 est supprimée. Pour faire vivre le personnel et les musiciens restés à Angers, Coste, le directeur, donne des séances de cinéma à partir du 25 mars 1915. Le théâtre accueille aussi quelques tournées. Des galas sont organisés au profit des blessés. Les saisons reprennent normalement (sans cinéma) en 1920.

Georges Coste, directeur du théâtre pendant dix-neuf ans

La direction Coste est l'une des plus longues de l'histoire du théâtre : de 1913 à 1926 et de 1935 à 1939. Le répertoire s'est rajeuni, mais les anciens grands succès sont toujours joués : ainsi en 1924-1925, "Les Mousquetaires au couvent", "La Juive", "Hérodiade", "La Favorite", "Guillaume Tell"...

Un Angevin se souvient des spectacles des années Trente :

"À cette époque, on donnait cinq représentations par semaine, deux d'opéra ou opéra comique et trois d'opérette, mais cet ordre était souvent modifié par le passage de tournées venant jouer du théâtre classique ou pièces à succès, ainsi que les grandes opérettes ("Dédé", "Phi-Phi", "Rose-Marie"...) avec les artistes de la création. Les tournées des grandes revues du "Casino de Paris" ou des "Folies Bergères" allaient jouer, ainsi d'ailleurs que les concerts populaires, au cirque-théâtre" (Courrier de l'Ouest, 20 juillet 1994).

Sous la direction de son gendre, Marcel Bacchi

Georges Coste quitte Angers à la fin de la saison 1939 pour prendre la direction du théâtre de Metz, emportant les regrets des Angevins et de la ville. Sur sa proposition le maire le remplace par son gendre et dévoué collaborateur, Marchel Bacchi, qui garde les rênes du théâtre jusqu'en 1972. Les "Compagnons du masque au genêt", une troupe angevine de comédiens-acteurs amateurs dirigée par le comédien, auteur et décorateur, René Rabault, participent aux saisons pendant la Seconde guerre mondiale. En 1941, ils donnent "La Passion notre espérance", l'année suivante "La Brebis égarée" et "Le Médecin malgré lui", en 1943 "Le Galant Barbe-Bleue".

De plus en plus, le théâtre sert de salle de réceptions : bals masqués, concerts, conférences et expositions. Et le mouvement s'amplifie après 1945 : bal annuel d'associations et d'amicales, distributions de prix du lycée David-d'Angers et du collège Chevrollier, fête des écoles publiques, élection de la reine des fêtes d'Angers, tirage de la loterie nationale, galas de gymnastique artistique...

Démolir le théâtre, pour une mise aux normes ?


Ces usages divers galvaudent quelque peu un grand théâtre vieillissant où se jouent environ deux cents spectacles par an. En réponse à une enquête de la direction générale des Arts et Lettres du ministère de l'Éducation nationale, le maire indique en janvier 1952 que des travaux sont prévus pour améliorer la sécurité du bâtiment. Néanmoins, écrit-il, le théâtre municipal... ne pourrait être transformé rationnellement en vue de répondre au décret du 7 février 1941. Il y aurait lieu d'envisager purement et simplement sa démolition intérieure et sa reconstruction sur de nouveaux plans. Une transformation partielle de l'intérieur est effectuée en 1967 : peintures, électricité, loges. Le manque de moyens financiers évite le bétonnage.

Nouvelles institutions

En 1968, prélude à de grands changements, naît le Théâtre musical d'Angers, créé sur l'initiative du ministère des Affaires culturelles. Il doit servir de cellule de création de la Maison de la Culture. Son premier spectacle est une création en première mondiale, la pièce de Claude Prey, "On veut de la lumière ? Allons-y !" L'Association Maison de la Culture d'Angers, chargée de sa préfiguration en attendant la construction de la maison, rendait nécessaire un partage des activités du théâtre. Pour la saison 1968-1969, le théâtre est partiellement mis en régie, sauf pour les spectacles lyriques dont Marcel Bacchi conserve la concession.

À partir du 1er juillet 1972, le théâtre est mis en régie directe. Cette même année s'installe à Angers le Ballet théâtre contemporain, créé par Jean-Albert Cartier à Amiens, pour former, avec le Théâtre musical, le Centre national lyrique et chorégraphique, dont il prend la direction. Pendant six ans, de 1972 à 1978, Cartier dirige la culture angevine. Pour l'organisation des opérettes, il passe contrat avec Mme Simon-Bacchi, qui maintient la tradition de son père. Après l'arrivée de la nouvelle municipalité de Jean Monnier en 1977, les activités lyriques et chorégraphiques sont réorganisées. le Ballet théâtre contemporain de Cartier part pour Nancy. Il est remplacé par un Centre chorégraphique national, devenu Centre national de danse contemporaine, confié au départ au chorégraphe Alwin Nikolaïs.

Depuis 1972, le théâtre, qui n'abrite plus de troupe permanente, ne travaille plus en production. C'est un outil culturel qui accueille en priorité le Théâtre musical d'Angers-Opéra, le Nouveau théâtre d'Angers (créé en 1986), le Centre national de danse contemporaine, le Théâtre régional des Pays de la Loire, le Festival d'Anjou, les tournées Baret et l'Orchestre national des Pays de la Loire. En 1993-1994, le théâtre ferme pour une saison, le temps d'une véritable cure de jouvence, restauration très réussie.