Le cimetière de l'Ouest : tombes remarquables, mémoires d'outre-Maine

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Première version dans Vivre à Angers n° 233, février 2000

Ci-dessous, guide de visite réalisé en octobre 2023

Dernière modification : 6 novembre 2023

Au milieu du XVIIIe siècle, Angers compte seize paroisses urbaines, onze cimetières intra-muros et quatre en dehors des murailles. À la suite de la déclaration royale du 10 mars 1776, les premiers sont transférés hors de la ville entre 1784 et 1788. Un cimetière unique est ouvert en 1786 pour la Doutre, dans un terrain de l’enclos de Guinefolle, entre la rue Saint-Lazare, la place Lionnaise et l’actuelle entrée de la rue de la Meignanne. Malheureusement, il est bien vite reconnu comme « inconcevable pour servir de cimetière » : sol pierreux et humide, trop grande proximité de la ville.

Un nouveau terrain est acheté en 1811, à l’extrémité de la rue Chef-de-Ville, au milieu des prés et des vignes. Ouvert en 1813 et baptisé « cimetière de la Trinité », c’est l’actuel cimetière de l’Ouest. Sa situation favorable, légèrement surélevée, et les réserves foncières proches du pâtis Saint-Nicolas, ont permis son extension jusqu’à 7,59 hectares. Le terrain voisin de l'ancien service de la Répurgation, rue La Bruyère, a permis une nouvelle extension à partir de 1999 et l'aménagement d'un columbarium.

Comme le cimetière de l’Est (voir Vivre à Angers de novembre 1998 et janvier 1999), celui de l’Ouest offre d’intéressants aperçus d’histoire angevine, entre une romancière, des médecins et des maires, un musicien, deux bienfaiteurs de la ville et tout simplement des tombes anonymes, mais d’une facture originale comme la tombe en fonte sur pieds anthropomorphes. Les plus anciens monuments conservés remontent à 1828, 1846 et 1847.

Carré 1

  • Soeur Gertrude-Marie, née Anne Marie Bernier (1870-1908), religieuse de la congrégation de Saint-Charles.
    Elle est connue pour sa vie spirituelle "intense" qu'elle a développé dans ses écrits à l'initiative de son confesseur, le père Stanislas Legueu, aumônier de la congrégation de Saint-Charles, à partir desquels il publia plusieurs ouvrages ("Une mystique de nos jours", Angers, 1914, 721 p.). C'est dans l'ordinaire qu'elle mit sa perfection. Elle communiquait l'union, l'harmonie et la paix. Ses dons ont été reconnus des Angevins et sa tombe, entourée d'ex-voto, reste la plus fleurie du cimetière.

Carré 7

  • Jean-Baptiste Hyacinthe TALOUR (+1866) et Marie-Adélaïde LOQUET (+1880) son épouse (+1880) : superbe et originale tombe en fonte de fer portée par quatre pieds anthropomorphes. Jean-Baptiste Talour, fils de forgeron, né à La Basse-Indre (Loire-Inférieure), exerçait le métier de fondeur. Son décès est déclaré par Charles Baradez, entrepreneur de fonderie rue de la Tannerie, jusqu'en 1858, frère de Georges qui possédait une usine semblable au Port-de-l'Ancre (quartier Thiers-Boisnet). La tombe sort probablement des fonderies angevines où il travaillait, 19 rue de la Tannerie, dans la Doutre, entreprise qu'il semble avoir dirigée sur la fin de sa vie, en 1865-1866.

Tombe ROUSSEAU-STOPPANI
Victor Rousseau (1885-1917), Béatrice de Stoppani (1935-1942)

Congrégation enseignante de Saint-Charles

Rond-point entre les carrés 8-9/15-16

  • Colonne de l'abbé Gruget (1751-1840) : curé de la Trinité de 1784 à sa mort. Pendant la Révolution, caché dans un immeuble de la place du Ralliement, face à la guillotine, il donnait la dernière absolution aux victimes. il était dévoué à ses paroissiens.

Inscrite à l'Inv. suppl. Monuments historiques

Carré 8

  • Chapelle JUSTEAU : Aristide Justeau (1876-1953), créateur en 1913 des verreries mécaniques d’Angers dans le quartier des Fours-à-Chaux. Très prospère, l’entreprise exporta jusqu’en Amérique.

Tombe METZNER-LEBLANC : les Metzner tenaient un magasin de lutherie et musique place du Ralliement, éditaient des partitions. En 1900, Maurice Metzner fait don d'instruments de musique anciens au musée Saint-Jean de la Ville d'Angers.

Chanoine Augustin GUÉRY (1872-1951)
Professeur d'histoire à Mongazon, à l'école Freppel et à l'Externat Saint-Maurille, aumônier de la clinique Saint-Remy. Ses ouvrages "Angers à travers les âges" (1913) et "L'Anjou à travers les âges" (1947) présentent une recherche iconographique remarquable et sont toujours appréciés.

Carré 9

  • Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul : sœur Augustine VIARD, supérieure de l’hôpital (+1916).
 

Religieuses du Bon-Pasteur

Carré 10

  • Tombe des élèves de l'école des Arts et Métiers

Charles DUVIVIER (1894-1960)
Journaliste au Petit Courrier, passionné de sport, organisateur avec Victor Dauphin de la Traversée d'Angers à la nage. Illustrateur, il travaille pour les éditions Charles Hirvyl et crée un studio de dessin publicaire "La Publicité d'art" (vers 1922), prolongé par une nouvelle etnreprise, "Les Ateliers Charles Duvivier" dans les années trente. On lui doit de très belles publicités de style Art déco.

Carré 11

  • 6e GÉNIE. Trois des six victimes de la catastrophe de Bouchemaine, noyées lors du remorquage de bateaux chargés de sable, le 21 mai 1897, sapeurs du 10e bataillon : Étienne Courot, Gustave Guesney, Alfred Leray. Un monument a été érigé à leur mémoire, à 300 mètres en amont du pont de Bouchemaine.

Rond-point des carrés 11, 12, 18, 19

  • Monument aux morts de la guerre de 1870-1871.
    "L'Anjou à ses soldats morts pour la patrie" : premier monument aux morts érigé en mémoire des victimes d'une guerre. Il est dû à l'initiative privée de la Société fraternelle et de se cours mutuels des anciens militaires d'Angers et a été inauguré le 2 octobre 1892.

Carré 12

  • Emmanuel TRIQUIER (+1912) : conseiller municipal, président de l’Union générale des sociétés de secours mutuels de Maine-et-Loire, président de la Société de secours mutuels la Paternelle, de la commission administrative de l'hôtel de la Mutualité, administrateur à la fédération nationale de la Mutualité française. Le monument est orné de son buste en médaillon par le sculpteur Legendre.

Monument du Grand Séminaire d'Angers

Carré 14

  • Famille GIFFARD-LANGEVIN : Auguste Giffard, conducteur des Ponts-et-Chaussées (+ 7 octobre 1893) a légué sa fortune (135 000 F or) à la Ville d’Angers pour l’achat de statues décoratives (Marguerite d’Anjou, Vénus d’Arles, Pomone, Mme Vigée-Lebrun…).
  • Victor BERNIER, maire d’Angers de 1919 à 1925 et de 1935 à 1945.

Ernest Charles Jean TURC (1923-2005), dit Jean Turc, horticulteur et homme politique (groupe Indépendants). Fils d'Ernest Jean Louis Turc, créateur des établissements Ernest Turc, né à Venosc (Isère) le 6 août 1883 et de Berthe Lecoconnier, née à Issoudun le 29 octobre 1896.
Conseiller municipal (1953-1959), premier adjoint (1959-1963), maire d'Angers (1963-1977), conseiller municipal (1983-1989)
Conseiller général (1955-1998), conseiller régional (1973-1977)
Député (1956-1962)
Maryse DEVILLAINE (décédée en 2012), fille de l'industriel Georges Devillaine (fabricant de voitures d'enfants, de poupée et d'articles de puériculture, 1954-1971), épouse de Jean Turc (25 novembre 1957).

Carré 16

  • Soeurs de la Charité de Sainte-Marie-la-Forêt : communauté organisée en 1615 à l'Hôpital général ou hôpital des Renfermés, rue Lionnaise. En 1844, elle achète la propriété de la Forêt, non loin du future hôtel-Dieu où le noviciat de la congrégation et l'institution des sourds-muets sont établis.

Félix-Jean CLAVEAU de La Granssière (1793-1847)
Chanoine honoraire de la cathédrale, curé de Sainte-Thérèse pendant 28 ans.

Famille QUIGNON-ROMBACH
Importante famille de commerçants - horlogerie-bijouterie-objets d'art - 6 rue Chaussée-Saint-Pierre, entre 1898 et le début des années 1930. "Toutes les nouveautés les plus captivantes en bijouterie, joaillerie, norlogerie, orfèvrerie, bibelots artistiques et oeuvres d'art se donnent là rendez-vous" (publicité dans le Journal de Maine-et-Loire, 13 septembre 1901). Le magasin a été l'un des premiers à être éclairé par l'électricité.
Le successeur, Georges Gagne, ferme le commerce autour de 1950.

Carré 17

  • Chapelle MAËGERLIN
    Coiffeurs-parfumeurs rue des Lices (vers 1880-1910).

 

Carré 18

  • Jean HURÉ (1877-1930) : organiste et pianiste, compositeur, titulaire des grandes orgues de la cathédrale d’Angers de 1899 à 1909, puis de Saint-Augustin à Paris.

Michel GRUET (1912-1998)
Médecin du travail, en particulier aux établissements Bessonneau et à l'entreprise Bull, archéologue, conservateur du Muséum d'histoire naturelle d'Angers.

Carré 19

  • Chapelle MARIONNEAU
    Jean Marionneau, charcutier 19 rue de la Poissonnerie (à partir de 1908) : sa vitrine en verre peint églomisé serait aujourd'hui classée Monument historique. Premier président de la chambre des métiers d'Angers.

Carré 22

  • Famille MARTIN-ROUJOU : Louis Martin-Roujou (+ 1916), commerçant, conseiller municipal, président de l’Ablette angevine.
  • Famille PRIGNEAU : tombe néo-gothique originale, pourvue de deux coussins de prière en pierre.

Carré 23

  • Joseph HÉBERT de La Rousselière (1887-1979), président de la Société d’Horticulture d’Angers, auteur d’une histoire des jardins d’Angers publiée en 1947.
  • Célestine Renée Blanche de GOHIN (1811-1828) - Tombe la plus ancienne du cimetière. Elle porte l'inscription "Cher enfant, repose en paix, ta perte est le premier chagrin que tu ayes causé à tes parents".
  • Charles BARANGÉ (1897-1985), homme politique, député de Maine-et-Loire, président de la Commission de développement économique régional.

 Carré 24

  • Charles GIRARD (1849-1919) : fils de relieur et relieur lui-même, il exerce à partir de 1889 au 34 rue Saint-Julien et adjoint à son art un atelier d'encadrement et de dorure sur bois, puis un magasin de vente de gravures, tableaux et objets d'art. Il a participé à un grand nombre d'expositions régionales de sa province et reçu plusieurs médailles d'or. Il vend atelier et galerie à Auguste Lasneret en 1908 qui continue les expositions d'art. La tombe est ornée d'un médaillon en bronze du sculpteur angevin Léon Morice, daté de 1908.

Carré 25

  • Paul PAPIN (1870-1942), professeur à l'École de Médecine d'Angers, directeur du laboratoire de bactériologie. En 1924, il ouvre le centre anti-cancéreux d'Angers, à vocation régionale. Il est aussi médecin du conseil d'hygiène départemental, médecin adjoint de la prison et médecin de l'école normale d'instituteurs d'Angers. "Homme réservé et discret, travailleur infatigable, il n'a pas eu le temps d'entreprendre des travaux personnels de recherche. Il était accessible à ses étudiants et très aimé" (témoignage de Jean-claude Renier).

Auguste ROUSSEAU (1837-1911) : "Ici repose le poète Auguste Rousseau".
Né à La Ménitré, sabotier, bouquiniste et poète (voir article dans Le Cahier de la vallée d'Anjou, n° 1, 2020).

Carré 29

  • Docteur Ambroise MONPROFIT (1857-1922), professeur de clinique chirurgicale à Angers, maire de la ville (1908-1912).

Léon JAGOT et famille LABOULAIS : famille d'industriels très connus à Angers au XIXe siècle. Leur entreprise était spécialisée dans la fonderie, chaudronnerie, mécanique. Elle fabriquait machines et gros matériel, à l'emplacement actuel du théâtre Le Quai. Lucie Chenot, épouse d'Anatole Laboulais, doyenne des luttes républicaines à Angers menait une importante action charitable dans la Doutre. Elle appartenait à la ligue des Droits de l'homme et fonda la première loge maçonnique mixte à Angers en 1908.

Léon Jagot (1853-1913), médecin, directeur de l'école de médecine d'Angers, avait épousé Mathilde Laboulais, fille d'Alfred (frère d'Anatole).

Carré 30

  • Marie-Sophie LEROYER DE CHANTEPIE (1800-1888), romancière, a échangé une correspondance suivie avec ses contemporains écrivains, G. Flaubert, V. Hugo, G. Sand, P. Loti débutant et avec les hommes politiques d'opposition de l'époque, Louis Blanc, Blanqui, Barbès, Proudhon.

Carré 31

  • Sergent Jean PRÉDALI (+1945), parachutiste français mort pour la France, en Belgique.

Carré 32 A

  • Docteur Louis BAROT (1873-1951), médecin militaire, maire radical-socialiste d’Angers (1912-1914), écrivain, en collaboration avec son épouse Mathilde Jagot. Neveu de Lucie Laboulais (voir plus haut, carré 29).

Le caveau abrite également Christophe Berendorf (ou Berendorff) fondateur vers 1836 de la principale maison de construction mécanique de la région angevine, transmise par alliance aux Laboulais.

Carré 32 B

  • Jean-Baptiste ARTIGALAS (+1919), président de la société de secours mutuels des Menuisiers et autres corporations d’Angers.

Carré 45

  • Pierre-Mathurin PITRE-MERLAUD (1797-1879), magistrat, a légué sa fortune à la Ville d’Angers. Sa tombe est faite d’une grande dalle plate de granite.