Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 233, février 2000
Au milieu du XVIIIe siècle, Angers compte seize paroisses urbaines, onze cimetières intra-muros et quatre en dehors des murailles. À la suite de la déclaration royale du 10 mars 1776, les premiers sont transférés hors de la ville entre 1784 et 1788. Un cimetière unique est ouvert en 1786 pour la Doutre, dans un terrain de l’enclos de Guinefolle, entre la rue Saint-Lazare, la place Lionnaise et l’actuelle entrée de la rue de la Meignanne. Malheureusement, il est bien vite reconnu comme « inconcevable pour servir de cimetière » : sol pierreux et humide, trop grande proximité de la ville.
Un nouveau terrain est acheté en 1811, à l’extrémité de la rue Chef-de-Ville, au milieu des prés et des vignes. Ouvert en 1813 et baptisé « cimetière de la Trinité », c’est l’actuel cimetière de l’Ouest. Sa situation favorable, légèrement surélevée, et les réserves foncières proches du pâtis Saint-Nicolas, ont permis son extension jusqu’à 7,59 hectares. Le terrain voisin de l'ancien service de la Répurgation, rue La Bruyère, a permis une nouvelle extension à partir de 1999 et l'aménagement d'un columbarium.

Comme le cimetière de l’Est (voir Vivre à Angers de novembre 1998 et janvier 1999), celui de l’Ouest offre d’intéressants aperçus d’histoire angevine, entre une romancière, des médecins et des maires, un musicien, deux bienfaiteurs de la ville et tout simplement des tombes anonymes, mais d’une facture originale comme la tombe en fonte sur pieds anthropomorphes. Les plus anciens monuments conservés remontent à 1828, 1846 et 1847.

Carré 7
- Jean-Baptiste Hyacinthe TALOUR (+1866) et Marie-Adélaïde LOQUET (+1880) son épouse (+1880) : superbe et originale tombe en fonte de fer portée par quatre pieds anthropomorphes. Jean-Baptiste Talour, fils de forgeron, né à La Basse-Indre (Loire-Inférieure), exerçait le métier de fondeur. Son décès est déclaré par Charles Baradez, entrepreneur de fonderie rue de la Tannerie, jusqu'en 1858, frère de Georges qui possédait une usine semblable au Port-de-l'Ancre (quartier Thiers-Boisnet). La tombe sort probablement des fonderies angevines où il travaillait, 19 rue de la Tannerie, dans la Doutre, entreprise qu'il semble avoir dirigée sur la fin de sa vie, en 1865-1866.

Rond-point entre les carrés 8-9/15-16
- Colonne de l'abbé Gruget (1751-1840) : curé de la Trinité de 1784 à sa mort. Pendant la Révolution, caché dans un immeuble de la place du Ralliement, face à la guillotine, il donnait la dernière absolution aux victimes. il était dévoué à ses paroissiens.
Inscrite à l'Inv. suppl. Monuments historiques
Carré 8
- Chapelle JUSTEAU : Aristide Justeau (1876-1953), créateur en 1913 des verreries mécaniques d’Angers dans le quartier des Fours-à-Chaux. Très prospère, l’entreprise exporta jusqu’en Amérique.
Carré 9
- Tombe METZNER-LEBLANC : les Metzner tenaient un magasin de lutherie et musique place du Ralliement, éditaient des partitions. En 1900, Maurice Metzner fait don d'instruments de musique anciens au musée Saint-Jean de la Ville d'Angers.
- Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul : sœur Augustine VIARD, supérieure de l’hôpital (+1916).
Carré 10
- Tombe des élèves de l'école des Arts et Métiers
Carré 11
- 6e GÉNIE. Trois des six victimes de la catastrophe de Bouchemaine, noyées lors du remorquage de bateaux chargés de sable, le 21 mai 1897, sapeurs du 10e bataillon : Étienne Courot, Gustave Guesney, Alfred Leray. Un monument a été érigé à leur mémoire, à 300 mètres en amont du pont de Bouchemaine.

Carré 12
- Emmanuel TRIQUIER (+1912) : conseiller municipal, président de l’Union générale des sociétés de secours mutuels de Maine-et-Loire, président de la Société de secours mutuels la Paternelle, de la commission administrative de l'hôtel de la Mutualité, administrateur à la fédération nationale de la Mutualité française. Le monument est orné de son buste en médaillon par le sculpteur Legendre.

Carré 14
- Famille GIFFARD-LANGEVIN : Auguste Giffard, conducteur des Ponts-et-Chaussées (+ 7 octobre 1893) a légué sa fortune (135 000 F or) à la Ville d’Angers pour l’achat de statues décoratives (Marguerite d’Anjou, Vénus d’Arles, Pomone, Mme Vigée-Lebrun…).
- Victor BERNIER, maire d’Angers de 1919 à 1925 et de 1935 à 1945.
Carré 16
- Soeurs de la Charité de Sainte-Marie-la-Forêt : communauté organisée en 1615 à l'Hôpital général ou hôpital des Renfermés, rue Lionnaise. En 1844, elle achète la propriété de la Forêt, non loin du future hôtel-Dieu où le noviciat de la congrégation et l'institution des sourds-muets sont établis.
Carré 18
- Jean HURÉ (1877-1930) : organiste et pianiste, compositeur, titulaire des grandes orgues de la cathédrale d’Angers de 1899 à 1909, puis de Saint-Augustin à Paris.
Carré 22
- Famille MARTIN-ROUJOU : Louis Martin-Roujou (+ 1916), commerçant, conseiller municipal, président de l’Ablette angevine.
- Famille PRIGNEAU : tombe néo-gothique originale, pourvue de deux coussins de prière en pierre.

Carré 23
- Joseph HÉBERT de La Rousselière (1887-1979), président de la Société d’Horticulture d’Angers, auteur d’une histoire des jardins d’Angers publiée en 1947.
- Célestine Renée Blanche de GOHIN (1811-1828) - Tombe la plus ancienne du cimetière. Elle porte l'inscription "Cher enfant, repose en paix, ta perte est le premier chagrin que tu ayes causé à tes parents".
- Charles BARANGÉ (1897-1985), homme politique, député de Maine-et-Loire, président de la Commission de développement économique régional.
Carré 24
- Charles GIRARD (1849-1919) : fils de relieur et relieur lui-même, il exerce à partir de 1889 au 34 rue Saint-Julien et adjoint à son art un atelier d'encadrement et de dorure sur bois, puis un magasin de vente de gravures, tableaux et objets d'art. Il a participé à un grand nombre d'expositions régionales de sa province et reçu plusieurs médailles d'or. Il vend atelier et galerie à Auguste Lasneret en 1908 qui continue les expositions d'art. La tombe est ornée d'un médaillon en bronze du sculpteur angevin Léon Morice, daté de 1908.
Carré 25
- Paul PAPIN (1870-1942), professeur à l'École de Médecine d'Angers, directeur du laboratoire de bactériologie, premier directeur du centre anticancéreux.
Carré 29
- Docteur Ambroise MONPROFIT (1857-1922), professeur de clinique chirurgicale à Angers, maire de la ville (1908-1912).
- Léon JAGOT et famille LABOULAIS : famille d'industriels très connus à Angers au XIXe siècle. Leur entreprise était spécialisée dans la fonderie, chaudronnerie, mécanique. Elle fabriquait machines et gros matériel, à l'emplacement actuel du théâtre Le Quai. Lucie Chenot, épouse d'Anatole Laboulais, doyenne des luttes républicaines à Angers menait une importante action charitable dans la Doutre. Elle appartenait à la ligue des Droits de l'homme et fonda la première loge maçonnique mixte à Angers en 1908.
Léon Jagot (1853-1913), médecin, directeur de l'école de médecine d'Angers, avait épousé Mathilde Laboulais, fille d'Alfred (frère d'Anatole).
Carré 30
- Marie-Sophie LEROYER DE CHANTEPIE (1800-1888), romancière, a échangé une correspondance suivie avec ses contemporains écrivains, G. Flaubert, V. Hugo, G. Sand, P. Loti débutant et avec les hommes politiques d'opposition de l'époque, Louis Blanc, Blanqui, Barbès, Proudhon.

Carré 31
- Sergent Jean PRÉDALI (+1945), parachutiste français mort pour la France, en Belgique.
Carré 32 A
- Docteur Louis BAROT (1873-1951), médecin militaire, maire radical-socialiste d’Angers (1912-1914), écrivain, en collaboration avec son épouse Mathilde Jagot. Neveu de Lucie Laboulais (voir plus haut, carré 29).
Le caveau abrite également Christophe Berendorf (ou Berendorff) fondateur vers 1836 de la principale maison de construction mécanique de la région angevine, transmise par alliance aux Laboulais.
Carré 32 B
- Jean-Baptiste ARTIGALAS (+1919), président de la société de secours mutuels des Menuisiers et autres corporations d’Angers.
Carré 45
- Pierre-Mathurin PITRE-MERLAUD (1797-1879), magistrat, a légué sa fortune à la Ville d’Angers. Sa tombe est faite d’une grande dalle plate de granite.
Mise à jour : décembre 2011