Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 223, février 1999
Maisons bourgeoises, petits châteaux ont toujours trouvé autour des villes une terre d'élection : se reposer à la campagne à proximité de la ville était une ambition partagée. Beaucoup de ces demeures subsistent autour d'Angers, désormais souvent ouvertes au public sous forme de maison des jeunes ou de centres de loisirs : le Hutreau, l'Arceau…
La Claverie est l'une d'elle, à quatre kilomètres d'Angers, sur la route de Sarrigné (commune de Saint-Barthélemy) : 2,49 hectares de parc plantés de beaux arbres. À l'origine, modeste propriété appelée la Couronnerie, elle relevait du fief de la Pignonnière, dont le seigneur était l'abbesse de Fontevraud. Jean Moynard, avocat au présidial d'Angers (équivalent de la Cour d'appel), n'avait là - en 1652 - qu'une maison couverte d'ardoise avec jardins, prairie, vergers et vignes. En 1778, les vignes ont disparu, mais la maison est qualifiée de "belle", avec ferme attenante, champs, bois de haute futaie, jardins, vergers et douve à poissons. La grande allée mesure 200 mètres. L'ensemble appartient à Charles-Félix Claveau, ancien négociant, maire d'Angers de 1785 à 1789. François-Yves Besnard (Souvenirs d'un nonagénaire) laisse entendre que "les petites parties de campagne" y étaient bien agréables.
Propriété de l'abbé de Chalopin de 1809 à 1825, puis du chanoine Daburon de Mantelon, la Claverie revient grâce à ce dernier au grand séminaire d'Angers en 1830. Le legs permet à l'institution de bénéficier d'une propriété de campagne appréciée. Les bâtiments sont agrandis par l'architecte Duvêtre en 1843, puis entièrement reconstruits par Roques en 1872-1873. Après la séparation de l'Église et de l'État en 1905, la propriété est dévolue aux hospices d'Angers pour être affectée à des oeuvres d'assistance.
L'Institut régional des Aveugles s'y installe en 1912, mais est rapatrié à Montéclair en 1926, l'éloignement des hospices rendant son fonctionnement trop coûteux. La municipalité achète la Claverie en 1935 pour y installer un aérium réservé aux enfants des écoles primaires laïques et privées, dont l'état nécessite la vie en plein air : anémiés, rachitiques, sous-alimentés, "physiquement et moralement négligés" y sont envoyés pour un séjour de six mois par le médecin-chef de l'Inspection médicale des écoles, le docteur Legros.
La Caisse des écoles prend en charge le domaine en 1941. Les enfants sont reçus uniquement en période de vacances. La cuisine centrale pour les cantines des écoles maternelles y est installée à la faveur du potager d'un hectare, bien venu en cette période de guerre. Après la disparition de la société des Fourneaux scolaires, elle fournit aussi les écoles primaires : 6 000 repas par jour lors de sa prise en charge par l'Éparc (Établissement public angevin de restauration collective) en mars 1983. Le Centre de loisirs, rénové en 1995-1996, forme toujours la jeunesse "au plein air", mais aussi à l'informatique… depuis janvier 1999 avec l'ouverture d'un centre multimédia.