Trésors d'archives
Exposition virtuelle de quelques belles pièces d'archives
Le 30 janvier 1879, Mac-Mahon démissionne. Le républicain modéré Jules Grévy le remplace. Désormais, tous les rouages de la République sont aux mains des Républicains. Pour ancrer définitivement le régime dans le pays, le 14 juillet est déclaré fête nationale le 6 juillet 1880, sur proposition de Benjamin Raspail. Cependant, le gouvernement ne veut pas alimenter de polémiques. La fête reste facultative. L'application de la loi est délicate en Maine-et-Loire, département catholique et conservateur. Le préfet reçoit sous chiffre spécial le télégramme suivant : L'invitation aux conseils municipaux de prendre part à la fête nationale par un vote de crédit doit être interprétée et présentée par vous comme une autorisation de se réunir extraordinairement et non comme une prescription impérative, afin que les refus possibles n'aient pas l'apparence d'une protestation.
Angers cependant se met à l'heure nationale. La municipalité républicaine de Jules Guitton entend donner le maximum d'éclat à cette première fête. 20 400 francs y sont consacrés, somme qui ne sera plus jamais atteinte pour les 14 juillet suivants, jusqu'en 1914. Tous les ingrédients de la fête doivent être réunis : retraite aux flambeaux la veille et concert au jardin du Mail, distribution de pain pour les indigents, fête militaire le matin du 14 sur le Champ-de-Mars, fêtes villageoises dans les différents quartiers l'après-midi, grand concert gratuit au théâtre et, en bouquet final, grande fête vénitienne et feu d'artifice sur la Maine. L'affiche imprimée en couleur à cette occasion résume parfaitement la fête et les sentiments de la municipalité. Le buste d'une sage Marianne impose l'idée d'une République rayonnante et rassurante. Et les mots de l'ancien président de la République, Thiers, sont mis en exergue, au centre de l'affiche : La République est le gouvernement légal du pays.
En fait, le programme reçoit quelques prudents aménagements. La retraite aux flambeaux évite le quartier populaire de la Doutre, redouté par la municipalité modérée. La revue militaire est supprimée, l'armée ne souhaitant pas être associée à la fête d'un régime qu'elle n'approuve pas encore. Une bonne moitié de la ville s'abstient de pavoiser. La fête est accueillie fraîchement, à l'exception du brillant navousel sur la Maine qui remporte un franc succès. Les comptes-rendus des journaux, variant selon leur tendance politique, sont d'une intéressante étude.
Bibliographie : BOIS (Jean-Pierre), "Sensibilité nationale et sensibilité locale. Le 14 juillet 1880 à Angers et dans le Maine-et-Loire", dans Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, t. 99, 1992, p. 61-78. ; MARTIN (Jean-Clément), "14 juillet 1880 - 14 juillet 1889. L'instauration de la fête nationale dans l'Ouest", dans Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, t. 91, 1984, p. 201-247.