Mise à jour : 6 janvier 2006
Trésors d'archives
Exposition virtuelle de quelques belles pièces d'archives
Depuis la fin du XIXe siècle, la boule de fort a été présentée comme le sport national des Angevins. René Bazin, Marc Leclerc, puis Émile Joulain ont vanté ce jeu subtil, tout en adresse, sans rien d'excessif. La passion de la boule est ancienne en Anjou. Des jeux de boule existaient déjà au XVIe siècle. Leur emplacement, à l'origine, n'était pas couvert. Au XIXe siècle, la piste, en terre battue soigneusement damée, est rectangulaire, longue de vingt-cinq à trente mètres, large de six à sept mètres, incurvée avec une bande plate d'un mètre au milieu. Les bords longitudinaux sont relevés de trente à quarante centimètres. Le jeu se pratique avec des boules spéciales en buis, puis en cormier ou en frêne, de treize centimètres de diamètre, cerclées de fer (du moins à partir des années 1850) et légèrement aplaties de chaque côté. Elles possèdent un côté faible, évidé sur une surface de quatre centimètres et un côté fort, quelquefois renforcé d'une petite masse de plomb. Il faut beaucoup de virtuosité pour les faire rouler sur les bords incurvés du jeu et parvenir le plus près possible du "maître" (le cochonnet dans un jeu de boule ordinaire).
Dans les années 1780, les "sociétés" où l'on joue à la boule et à d'autres jeux sont très répandues. En 1799, un recensement signale vingt-cinq sociétés, comprenant au total 600 à 800 membres. Elles se multiplient au XIXe siècle (51 en 1843). En 1810, le Code Pénal les a soumises à autorisation. Le maire d'Angers, répondant à une enquête du préfet en 1822, signale que les sociétés particulières sont tellement nombreuses que chaque chef de ménage, de quelque classe qu'il soit, a la sienne, et que beaucoup de jeunes gens, même ayant leur famille à Angers, en font partie.
Toute société avait son règlement. Celui de la société de Pierre-Lize (nom d'un quartier d'Angers, au faubourg Saint-Michel), sous forme d'affiche manuscrite, date de 1828. Il comprend 41 articles. Quatre autres sont ajoutés en 1833 et 1838. C'est l'un des plus anciens d'Angers qui soit conservé. Étant donné son caractère archaïque et son orthographe plus qu'hésitante, il a été remplacé en 1846 par une nouvelle rédaction en 37 articles (publiée par J.-L. Marais). Le règlement détermine le nombre total des membres (45 au plus, un procureur, un sous-procureur et deux commissaires), le rôle de l'assemblée générale et celui du procureur, les conditions d'admission. En général, le nombre des sociétaires dépassait rarement 70 à 80 membres. La rédaction initiale - nul ne sera reçu sans le consentement de tous les sociétaires - est corrigée en sans le consentement de la majorité des membres. Selon l'habitude, les femmes en sont exclues.
La société loue terrain et bâtiment, possède une cave à vin, salarie un concierge qui ne doit ouvrir à personne passé dix heures du soir. On joue à la boule, mais aussi aux cartes. Les parties de boules ne se jouent pas à plus de douze et chaque joueur ne peut parier plus de dix centimes par partie. Il est défendu de cracher dans le jeu de boule et, ce qui témoigne de moeurs encore un peu frustes, toute personne qui se permetterai de sattisfaire un besoin naturel à la distance de moin de quinze pas du jeu, payerai l'amande de quatre-vingt quinze centimes, dans le jeu ou dans la buvette serait à l'amende de 10 F (sic). Ce dernier article est supprimé en 1846.
Bibliographie : MARAIS (Jean-Luc), Les Sociétés d'hommes en Anjou, du XVIIIe siècle à nos jours, Angers, 1986, 209 p.