Trésors d'archives
Exposition virtuelle de quelques belles pièces d'archives
Lorsque le duc et son épouse Victoire de Saxe-Cobourg-Gotha arrivent à Angers le 11 août 1843, la situation politique de la ville est on ne peut plus troublée. Le maire, Antoine Farran, membre de l'opposition dynastique à la Chambre des députés, vient d'être destitué au profit du conservateur Augustin Giraud. Lors de l'installation de la nouvelle mairie, le 27 juillet, la majorité du conseil municipal s'est abstenue de participer à la séance. S'ouvre alors pour près de deux ans une grave crise municipale qui paralyse toute action jusqu'à la dissolution du conseil en mai 1845. Ces circonstances sont assez proches de celles que connaît au même moment la ville du Mans. Le maire, Trouvé-Chauvel, est destitué après la visite du duc de Nemours, début août. Il s'était permis dans son discours de faire des voeux pour que le gouvernement n'abandonnât point les traditions de la révolution de Juillet.
C'est dans ce climat que le couple princier fait son entrée solennelle à Angers. Ils descendent à la préfecture, puis le duc se rend à cheval par les boulevards jusqu'à la mairie où le maire lui adresse un discours officiel. Après avoir passé en revue la troupe de ligne et la garde nationale, les fonctionnaires publics lui sont présentés à la préfecture. Le soir, le prince convie à dîner les principales autorités du département à l'hôtel de Londres où il réside. Situé quai Ligny, l'endroit était idéal pour admirer la belle fête nautique, les illuminations et girandoles embrasées données en son honneur. Le lendemain, leurs Altesses visitent les pépinières d'André Leroy, le haras de Boutton-Levêque aux Ponts-de-Cé, l'école des Arts et Métiers et assistent à la distribution des prix du collège royal. Le soir, un bal très brillant leur est offert au théâtre. 2 250 cartons d'invitation ont été distribués à un public choisi, dont la liste figure aux Archives municipales. Enfin, le 13 août, le duc et la duchesse embarquent du quai Ligny sur un bateau à vapeur, en direction de Nantes.
Les journaux ont laissé des appréciations très différentes sur cette visite. Pendant plusieurs jours, la polémique fait même rage entre le Journal de Maine-et-Loire, conservateur et le Précurseur de l'Ouest, dans l'opposition dynastique. Le 13 août, le Précurseur conclut : "De l'ensemble de la réception, le Journal de Maine-et-Loire dit : "Notre population a accueilli le prince avec le plus vif enthousiasme (…)". La vérité est que l'enthousiasme a été nul, et que de mémoire d'hommes une réception de prince n'avait eu lieu à Angers dans des conditions de plus grande froideur. Toute la population a vu comme nous ce qui s'est passé. Nous la prenons à témoin. Nous prenons à témoin le prince lui-même et le désappointement pénible qu'il a manifesté. Le Journal de Maine-et-Loire riposte le lendemain, prenant la même population à témoin : C'est absolument le contraire qui est vrai (…). Notre population habituellement si réservée, si froide peut-être, a eu dans cette circonstance une attitude si chaleureuse, que nos radicaux n'en sont pas moins surpris qu'affligés. Nouvelle répartie du Précurseur, les 16-17 août : Comment un prince se trouve-t-il y avoir été aussi froidement reçu ? (…) C'est la nomination de M. Giraud contre le voeu de tous, c'est son inauguration parmi nous comme un drapeau provocateur. L'impopularité profonde de M. Giraud et de sa nomination a rejailli sur M. le duc de Nemours… La suite des événements semble indiquer en tout cas que le voyage du duc de Nemours manqua son but.