1533 - Acte de baptême en vers

Trésors d'archives

Exposition virtuelle de quelques belles pièces d'archives

Jusqu'en 1790, la ville d'Angers était partagée en seize paroisses : Saint-Pierre (l'une des plus anciennes), Saint-Maurille, Saint-Michel-du-Tertre, Saint-Denis, Saint-Julien, Saint-Martin, Saint-Michel-la-Palud, Sainte-Croix, Saint-Évroul, Saint-Aignan, Saint-Maurice, Saint-Laud, Lesvière, la Trinité, Saint-Jacques et Saint-Nicolas. Celles de Saint-Samson, Saint-Léonard et Saint-Augustin - rattachées à la ville pendant la Révolution - n'étaient alors que paroisses rurales.

 Les plus anciens registres paroissiaux conservés en Anjou sont ceux de la paroisse Saint-Pierre (janvier 1489). Bien avant l'édit de Villers-Cotterêts de 1539, certains évêques (surtout dans l'ouest du royaume et en Bretagne) avaient prescrit à leurs curés la tenue de registres de baptêmes. Les premiers statuts synodaux du diocèse d'Angers faisant mention de cette obligation remontent à 1504. L'édit de Villers-Cotterêts (paragraphe I, articles 50-53) l'impose à toute la France. En 1579, l'ordonnance de Blois ordonne la tenue de registres de mariages et de sépultures.

 Le premier registre de Saint-Pierre est déjà tenu en français. A l'image des notaires qui commençaient souvent par la formule, s'ensuyt les…, le curé a inscrit en tête du registre : S'ensuyt le papier des noms des petiz enfans baptizez depuis le premier jour de janvier en l’église de monsieur Sainct-Pierres d'Angiers, l'an mil IIIIC IIIIXX huyt (c'est-à-dire 1489 car nous changeons de millésime au premier janvier ; jusqu'en 1565, l'année commençait à Pâques). L'acte de baptême présenté ici est particulièrement original, puisqu'il est le seul à être rédigé en vers, sans doute par l'un des parrains des nouveaux-nés, Eustache Georget, licencié en loi. On y observe également la coutume, contractée au XIIIe siècle et interdite par le concile de Trente, du double parrainage : deux parrains et une marraine pour un garçon, l'inverse pour une fille.

Le mercredy de may vingt et huytiesme
L'an mil cinq cens trois avec le trentiesme,
Eustache et Jehan, deux freres et sacher
Jumeaux et filx de Ymbert maistre boucher,
Dict Dorleans, et Perrine Bruneau,
Sa femme espouse, en honneur bien et beau
Ces deux enfans ensemble procreerent.
Quatre parains pour les deux accepterent
Et avec eulx deux notables maraines,
Solempnizant les choses souveraines.
Le premier fut Eustache ainsi nommé
Par deux parains de nom bien renommé,
Et la maraine aussi estoit de mesme,
Faisant l'honneur qui appartient au baptesme.
L'un estoit dict maistre Eustache Georget,
Licencyé aux sainctes loix subgect,
Jehan Daniel et Jehanne Barbetorte.
Jehan Le Hayez, homme d'honneste sorte,
Acompaigné de Pierre Fenouzet,
Maistre boucher, compaignon de bon het,
Avecques eulx Benoiste Bruneau dicte
Nommerent Jehan selon la loy escripte.
Maistre Symon Goyslard les baptisa,
Qui justement tout le cas divisa.
Eustache et Jehan sont les enfans nommez,
Jhesus leur doint leur cours bien consommez.

 

(en marge : Eustache, primus. Johannes, secundus.)

Bibliographie : GERNIGON (Abbé J.-D.), De l'origine des registres paroissiaux à l'établissement de l'état civil en Maine et en Anjou, Sablé, 1961, 199 p.