1791 - Serment à la Constitution civile du clergé

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Prestation du serment à la Constitution civile du clergé par le curé de la cathédrale Saint-Maurice d'Angers, Jean Follenfant. 16 janvier 1791
Papier imprimé et manuscrit, 35 x 22,5. Arch. mun. Angers, 4 P 9.

Le 12 juillet 1790, l'assemblée constituante vote la réorganisation de l'Église de France sous le nom de Constitution civile du clergé, rompant le concordat de Bologne de 1516. L'Église était placée sous la tutelle du pouvoir civil : évêques et curés, salariés comme des fonctionnaires publics, seront désormais élus par les électeurs. Les évêques n'auront plus à obtenir de Rome la confirmation de leur pouvoir. La carte des diocèses est exactement calquée sur les nouvelles circonscriptions administratives. Un décret du 27 novembre 1790, ratifié par le roi le 26 décembre, exige de tous les ecclésiastiques salariés le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi et de maintien de la constitution décrétée par l'assemblée, sous peine d'être poursuivis comme perturbateurs de l'ordre public et démis de leur fonction. Le serment allait avoir d'incalculables conséquences.

Le décret est signifié à Angers le jour de la Saint-Sylvestre 1790. Le maire, de Houlières, en envoie copie à tous les curés de la ville, les exhortant personnellement à prêter le serment. Le 16 janvier, les deux vicaires de Saint-Pierre, les curés de Saint-Nicolas et de Saint-Maurice, quelques autres prêtres font le serment réclamé. Le curé de la Trinité, l'abbé Gruget, a laissé dans ses mémoires le récit de la prestation de serment du curé de Saint-Maurice, Jean Follenfant, âgé de 72 ans :

Depuis l'instant qu'il avait donné sa parole qu'il le prêterait, il avait senti de furieux remords de conscience, il n'était point tranquille. (…) Il passa la nuit dans de grandes agitations. Le matin ses inquiétudes augmentèrent encore. Il avait promis de se soumettre, il ne voyait pas de moyen pour reculer. Déjà tout était prêt, le maire, les officiers municipaux et toute la musique l'attendaient à l'église, tous les paroissiens y étaient présents pour être témoins comment les choses allaient se passer, lorsqu'il se présenta au maire et aux officiers municipaux pour leur dire qu'il demandait un quart d'heure, qu'il voulait parler à M. l'évêque (…). "Croyez-vous, lui dit-il, que je puis faire le serment qu'on me demande ?" Voyez, M. le curé, lui répliqua M. l'évêque en le présentant devant une glace, voyez vos cheveux blancs". Cette réponse aurait dû être suffisante pour lui ouvrir les yeux et lui faire connaître le parti qu'il avait à prendre. Cependant il n'en tint pas compte. (…) Il prononça son serment sans savoir ce qu'il disait ; on voyait dans son visage, dans ses paroles et dans ses gestes qu'il n'était point à lui (…).

Cependant, tourmenté par sa conscience, Jean Follenfant envoie sa rétractation à la municipalité le 21 janvier suivant : … après avoir sérieusement réfléchi sur la nature du serment par moi prêté le dimanche seizième janvier dernier dans l'église catédrale…, je ne puis y persister sans m'exposer aux remords continuels de ma conscience plus éclairée qu'elle n'étoit alors (…). Au total, 22% des ecclésiastiques d'Angers prêtent serment et, dans le département, 25%. Quelques cas de rétractations, analogues à celle du curé Follenfant, sont connus. La Constitution civile et le serment sont condamnés par le pape les 10 mars et 13 avril. Le curé de Saint-Maurice ne connut pas le sort tragique réservé aux prêtres réfractaires : il décède le 2 juin 1791.

Bibliographie : GRUGET (Simon), "Histoire de la Constitution civile du clergé en Anjou", dans l'Anjou historique (1901-1902), p. 612-626 ; (1902-1903), sqq. ; (1903-1904), sqq. ; (1904-1905), sqq.