1690 - Cartes à jouer

Trésors d'archives

Exposition virtuelle de quelques belles pièces d'archives

Angers fut pendant quatre siècles le siège d'une importante industrie cartière, maintenue jusqu'en 1952 par la fabrique Dieudonné qui dût fermer à la suite de la loi de 1946 accordant liberté totale de fabrication des cartes à jouer à tous les imprimeurs. Cette industrie mal connue mériterait une étude approfondie.

 Les cartes de Jacques Rousseau, maître cartier documenté entre 1689 et 1695, constituent la plus ancienne trace des productions angevines. La première feuille, caractéristique des cartes au portrait de Paris très répandu en France du nord, de l'est et de l'ouest, présente la série complète des dames (Judic dame de coeur, Palas dame de pique, Argine dame de trèfle, Rachel dame de carreau), un fragment du valet de trèfle et le valet de pique Hogier, traditionnellement accompagné d'un petit chien dressé contre sa jambe gauche. Les personnages portent les noms actuels, fixés vers la fin du XVIIe siècle. Ceux de la seconde feuille, gravés en revanche selon le portrait de Guyenne, ne portent aucun nom . Toutes deux ne présentent aucune enseigne (pique, trèfle…) : celles-ci étaient peintes après l'impression.

 En 1631, Angers fait partie des onze villes du royaume autorisées officiellement à fabriquer des cartes à jouer. Il est probable cependant que des cartiers y exercent déjà leur art au XVIe siècle. D'Allemagne cite en effet pour 1551 le cartier Thomas Vitaye et le 6 avril 1609, les échevins demandent une enquête sur le droit qu'un certain Fradet prend de décréter des amendes contre les marchands de cartes.

 Les registres paroissiaux livrent en 1674 le nom d'Étienne Madigné, tige d'une dynastie de "marchands cartiers" qui se poursuit jusqu'à la Révolution. Le 4 juin 1675, Simon Helboult, marchand cartier, épouse Marie Joret appartenant à une autre dynastie de cartier. Les Archives d'Angers conservent un spécimen d'enveloppe de jeu de Simon Elbout (orthographe la plus commune) marquée : A bon jeu, bon argent. Cartes très fines à batons faite par Simon Elbout rus du Beuf Couronné à la Bonne Renommée à Angers. Gros marchand, Simon Elbout, mort en 1708, paie vingt livres de capitation en 1694. Le cartier Quitteboeuf a un commerce encore plus considérable puisqu'il est taxé à cinquante livres.

 Au XVIIIe siècle, les maîtres cartiers sont huit à dix en moyenne. Dès les années 1680-1690, leur production très soignée fait rude concurrence aux cartiers nantais. Le métier, regroupé avec les cartonniers, est libre. N'étant pas constitué en corporation, il n'a pas de statut. Seuls de grands centres comme Nantes, Toulouse, Rouen, Paris ou Lyon purent obtenir le groupement en corporation. Les cartiers angevins ne sont plus que six en 1789 (quatre à Toulouse, huit à Lyon), mais produisent environ 105 300 jeux de piquet par an. Le plus actif d'entre eux, Pierre Sigogne, taxé à soixante-quatorze livres de capitation, fait partie des Angevins les plus imposés. Il rédige le cahier de doléances des cartiers-cartonniers en 1789.

 Bibliographie : ALLEMAGNE (Henry d'), Les cartes à jouer, Paris, Hachette, 1906, 2 vol. in-4°, XVI-504, 604 p., 231 pl. et 183 pl. ; DEPAULIS (Thierry), "Les cartes à jouer : six siècles d'histoire", dans Gé-Magazine, n° 119, 1993, p. 19-31.