1557 - Jean Delespine, architecte

Trésors d'archives

Exposition virtuelle de quelques belles pièces d'archives

Les Archives municipales conservent plusieurs documents autographes de Jean Delespine - ainsi orthographiait-il son nom - le grand architecte angevin de la Renaissance. Né en 1505 à Angers, il fait peut-être ses premières armes avec Jean Mariau, qu'il remplace en 1535 comme commissaire des oeuvres et réparations de la ville d'Angers. Un an auparavant, il avait été chargé de construire un beffroi à la façade de la cathédrale. Sans doute est-il aussi l'auteur de l'aile droite du logis Pincé, datée de 1535. C'est du moins une tradition attestée à partir du XVIIe siècle. Deux tourelles donnent toute leur originalité à cette partie. L'une d'elles est supportée par une trompe analogue à celle qui orne l'hôtel Bullioud à Lyon, bâti par Philibert Delorme. Les deux architectes se connaissaient, comme l'a montré Jacques Levron. Lorsque Jean, frère de Philibert, venait à Angers, il logeait chez Jean Delespine. C'était chez lui qu'était apporté le montant du loyer des dîmes de Saint-Serge, dont Philibert était abbé commendataire depuis 1558.

 A partir de 1535, Jean Delespine travaille beaucoup pour la ville. Il restaure la fontaine de Pied-Boulet (1536), rhabille d'un grand décor flamboyant-Renaissance le portail de l'hôtel de ville (1541-1542), reconstruit la porte Saint-Aubin par où se faisait l'entrée des rois de France lorsqu'ils venaient des Ponts-de-Cé (1542). Le port Ligny au pied du château et celui de la Poissonnerie ne suffisant pas au commerce, le maire René Ayrault prit l'initiative en 1556 de faire creuser un port supplémentaire au nord-est de la ville. Les travaux sont dirigés par Jean Delespine. Comblé en 1868-1869, le boulevard du même nom et la place Saint-Serge l'ont remplacé.

 En tant que maître des oeuvres de la ville, il règle les travaux de décoration des entrées royales d'Henri II et de Charles IX. Il effectue en outre de très nombreux travaux pour des particuliers comme le révèlent les traités conservés dans les minutes notariales : portail du château d'Ardanne, maisons rue Baudrière, hôtel pour M. de Charnière place des Halles (devenu hôtel Louet)… Il élève également le château neuf de La Flèche (dont il ne reste que des caves), le clocher de l'église des Rosiers-sur-Loire, celui de la Trinité d'Angers (1540) ainsi que celui de Beaufort-en-Vallée (1542), travaille au château d'Ancenis, rebâtit le Palais d'Angers (futur présidial) sur la place des Halles, conduit les travaux de reconstruction d'une aile du cloître de l'hôpital Saint-Jean. Au nombre des administrateurs du temporel de l'hôpital, il s'oppose en 1561 au transfert du prêche protestant des halles aux greniers Saint-Jean.

 C'était aussi un excellent sculpteur comme le prouve le mausolée de Champeaux en Bretagne près de Vitré, bâti pour Guy III d'Espinay et son épouse ou le tombeau de Jean du Mas à la cathédrale d'Angers. Jean Delespine cesse ses fonctions de commissaire des oeuvres de la ville en 1571 et meurt cinq ans plus tard.

Son épitaphe à l'église des Carmes a été relevée par Bruneau de Tartifume :

On cognoist l'arbre au fruict, l'ouvrier à l'ouvrage

Les tiens portent assez, l'Espine, tesmoignage

De l'excellent esprit dont Dieu t'avoit pourveu,

Quand parmi les plus grands en crédit on t'a veu (…)

Bibliographie : PORT (Célestin), Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, 2e éd. revue et mise à jour par J. Levron, P. d'Herbécourt, R. Favreau et C. Souchon, Angers, 1978, p. 24-25.