Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 140, novembre 1990
Depuis les années vingt, maints projets d'agrandissement de la gare Saint-Laud avaient été agités, sans qu'aucun n'aboutisse. En 1925 notamment, l'architecte Henri Jamard avait proposé un plan monumental entraînant une modification des schémas de circulation. On ne modifie finalement que l'entrée de la cour des voyageurs en 1934. Or, les équipements de la gare édifiée par agrandissements successifs de 1848 à 1895 se montraient de plus en plus inadaptés.
Vient la guerre. Loin de tarir les projets, elle relance la réflexion. En effet, afin de résorber le chômage, le gouvernement accorde par la loi du 11 octobre 1940 des facilités de financement pour l'ouverture de grands travaux. La SNCF y va donc d'un nouveau projet, soumis en novembre 1940 et février 1941 au conseil municipal.
La lettre d'un Angevin
En raison des modifications du projet et des hausses de prix qui nécessitent une nouvelle combinaison financière, la "grave affaire" des transformations de la gare Saint-Laud revient au conseil municipal en février 1942. C'est alors que le maire reçoit cette lettre datée du 5 février :
"M'appuyant sur le principe que nul n'a le droit de se désintéresser de l'avenir de la cité, j'ose pour la circonstance vous adresser mon modeste avis (…). Certes je n'ignore pas que la gare Saint-Laud n'est pas à la hauteur de sa fonction, mais il est trop tard pour l'améliorer parce que le transport ferroviaire dès la fin des hostilités sera périmé et l'avenir est aux transports par route.
Déjà, avant la guerre, les grands réseaux ne tenaient que parce que l'État bouchait le trou de leurs déficits et les petites compagnies disparaissaient les unes après les autres, l'intensité du trafic actuel n'est due qu'à l'absence quasi totale des véhicules et du carburant routiers.
Il est indéniable que le transport par route assure l'avantage d'éviter toute manutention et tout transit entre l'usinier et l'usager et c'est pourquoi l'avenir immédiat et peut-être provisoire est à la route, elle connaîtra avec les voitures électriques le succès qu'elle a eu autrefois avec les diligences, ce sera sa revanche et à ce sujet ne tombons pas dans l'erreur de Monsieur Thiers qui affirmait un jour solennellement que jamais les chemins de fer ne remplaceraient les diligences.
Monsieur le Maire, si la ville a des fonds disponibles, pensez plutôt aux gares routières, car j'en vois quatre pour Angers à chaque points cardinaux (les emplacements sont tout indiqués et il n'y en a aucun pour une gare unique). Avec l'avantage en évitant l'embouteillage de minimiser les accidents et de répartir le commerce".
La lettre n'a pas eu d'incidence sur les travaux du conseil municipal et pourtant, une fois de plus la modernisation de la gare tourne court malgré quelques travaux préparatoires. C'est le bombardement du 28 au 29 mai 1944 qui se charge de rénover radicalement les installations du XIXe siècle…, et encore, une partie de celles-ci sert au trafic voyageur jusqu'en 1954, début de la construction des actuels bâtiments.
Épilogue tardif le 12 juillet 1956 avec l'inauguration de la nouvelle gare tant attendue, en présence du directeur général de la S.N.C.F.