Chronique historique
par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers
Vivre à Angers n° 170, novembre 1993
Au Moyen-Âge, l'histoire du quartier s'écoule sans relief, rythmée par les événements religieux et les reconstructions des églises.
Le pape Jean XXII accorde des indulgences aux fidèles qui donneraient pour réparer Saint-Pierre (1316-1334). Cette réparation, si elle a eu lieu, n'est que partielle puisque la collégiale Saint-Pierre est en grande partie rebâtie entre 1451 et 1464. Par la suite, c'est la salle du chapitre qui est reconstruite en 1511, puis le maître-autel en 1524 (Bourdigné, Chroniques d'Anjou, éd. Quatrebarbes, t. II, p. 344). En 1528, le nombre des fidèles augmentant, deux chapelles latérales sont ajoutées à Saint-Maurille pour servir d'église paroissiale, car le vaisseau principal de l'église est réservé au chapitre canonial.
Saint-Pierre et l'université
Des trois églises, Saint-Pierre se distinguait par ses liens avec l'université toute proche, au sud de l'église (rue des Écoles, emplacement du théâtre actuel). C'est à Saint-Pierre qu'est installé le premier recteur de l'université le 16 avril 1398. Par la suite, on prend l'habitude d'y conférer le doctorat en droit. La chapelle Saint-Luc (plus tard Sainte-Anne), située dans une galerie contiguë à l'église, est le lieu ordinaire des réunions de l'université. Les membres de celle-ci s'engagent d'ailleurs à l'entretenir de couverture et de vitraux. La galerie est reconstruite en 1490.
Evénement important dans les annales de Saint-Maurille, les funérailles de Pierre Poyet, inhumé dans le choeur de l'église. Maire d'Angers à deux reprises (en 1532-1533 et en 1541-1543), Pierre Poyet eut une carrière politique peut-être moins brillante que celle de son frère Guillaume, parvenu grand chancelier de François Ier, mais plus sûre. Guillaume est brusquement suspendu de ses fonctions et emprisonné en août 1542. Pierre, lui, meurt en charge le 21 février 1543 et l'hôtel de ville lui fait des funérailles solennelles décrites dans les registres de délibérations du conseil.
Participent à l'enterrement, les quatre ordres mendiants de la ville, les chanoines de Saint-Maurille et de Saint-Maurice. Auprès du corps, trois sergents de la mairie vêtus d'une cotte d'arme de taffetas rouge et bleu aux armes de la ville, l'un d'eux portant un étendard.
"…Ledict corps fut mis durant le service soubz ung chapelle garnye de six-vingts petitz cierges ou environ de chacun demye livre et y en avoit quatre autres pesans chacun demye livre et six autres pesans chacun demye livre aux pignons de laquelle chappelle y avoit deux angelotz sur toille tenant les armes de la ville" (Arch. mun., BB 22, f° 97).
En 1651, l'évêque d'Angers, Henri Arnauld, visite l'église Saint-Maurille et inspecte l'armoire aux reliques. Un inventaire est dressé pour l'occasion où sont notées avec soin les différentes pièces conservées par le trésor : "…une bourse de velours rouge dans laquelle y a des corporaux teincts du sang de nostre Seigneur, une canne fendue dans laquelle y a une petite phiole estouppée de cire couverte de taffetas rouge sans escripteau, une phiole de christal dans laquelle y a des cheveux de sainte Cécile enchapsée de cuivre doré par les deux bouts, un taffetas rouge dans lequel y a plusieurs reliques et entr'autres du saint Sépulchre, du doigt saint René, une dent de saint Benoist…" (Arch. dép. Maine-et-Loire, G 1108, f° 166).
Le recensement de 1769 et les registres de la capitation permettent de sonder la richesse et l'activité d'un quartier densément peuplé. D'après les calculs de Jacques Maillard, la paroisse Saint-Maurille est l'une des trois plus riches de la ville (avec Saint-Denis et Saint-Aignan) pour la valeur moyenne de capitation payée par ses habitants - 17 livres 9 sols alors que la moyenne générale pour la ville n'est que de 13 livres 7 sols.
Prémices de transformations
Au XVIIIe siècle, la vie religieuse est encore intense. Toutefois, les dotations de certaines institutions commencent à devenir insuffisantes, amoindries depuis le Moyen-Âge. Ainsi, en 1702, le chapitre de Saint-Mainboeuf est supprimé pour être rattaché au séminaire. L'office canonial y est encore célébré par les directeurs du Séminaire jusqu'en 1740, puis transféré à l'église voisine de Saint-Julien. L'église ne sert plus que quelques rares dimanches dans l'année, en particulier pour deux messes célébrées par le chapitre cathédral. On songe même à la transformer en greniers d'abondance pour le temps de disette, puis à la démolir pour aérer le quartier.
En effet deux personnes ne peuvent passer de front dans la ruelle entre Saint-Maurille et Saint-Mainboeuf. Un dicton assure que de Saint-Maurille à Saint-Mainboeuf, il n'est que passage d'un boeuf, si bien que "viol, meurtre, vol, tous les crimes les plus révoltants ont été consommés autour des murs de cette église" (BB 126, f° 95). La démolition échoue à cause de difficultés financières, mais peut-être les esprits n'étaient-ils pas assez mûrs… À partir de 1790, la réorganisation religieuse et la vente des biens ecclésiastiques permettent de soudaines transformations dans un tissu urbain figé depuis des siècles.