Les Archives municipales de 1790 à nos jours

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 176, mai 1994

La Révolution crée de toute pièce les Archives départementales (lois de messidor an II et de brumaire an V), mais provoque peu de changement pour les Archives des villes, anciennement constituées.

L'opération générale de triage des titres féodaux ne paraît guère affecter le riche fond municipal. Bien au contraire, il s'accroît du transfert de quelque trois cent dix registres de baptêmes, mariages et sépultures des dix-sept anciennes paroisses après la laïcisation de l'état civil (20 septembre 1792). Des problèmes de locaux se posent déjà. Le greffe (secrétariat) est beaucoup trop petit. Il est urgent de disposer un local pour recevoir les nouveaux registres (délibération du conseil municipal, 12 octobre 1792).

Un mauvais déménagement


Ainsi les Archives restent intactes au greffe du vieil hôtel de ville Renaissance, place des Halles (actuel Muséum), jusqu'au jour où le déménagement sans soin dans la nouvelle mairie en 1825 déclenche une catastrophe : On s'est contenté, pour diminuer le poids des meubles, d'en extraire les liasses, cartons et tiroirs sans faire aucune remarque, de vider ces mêmes tiroirs et de jeter pêle-mêle les cartons sans les attacher en sorte que le poids de toute la masse de papiers les ayant fait crever, ce qu'ils contenaient a été éparpillé et confondu et a occasionné un désordre général qui n'a pu manquer de faire regarder les anciens inventaires comme inutiles. (Rapport du maire Alexandre Joubert-Bonnaire au conseil municipal, le 29 février 1832).

Pendant sept ans, les archives sont laissées à l'abandon dans deux pièces voûtées au rez-de-chaussée de la mairie. L'humidité et le mépris font si bien leur oeuvre, que cent trente six des cent cinquante et un volumes du "grand cartulaire" (les titres classés par Fombeure à la fin du XVIIIe siècle) sont irrémédiablement perdus. Ils avaient été jetés dans l'embrasure d'une croisée du côté des Ursulines… Fort heureusement, les belles séries de comptes, d'impositions, de délibérations du corps de ville… ont survécu. C'est cet ensemble de documents formant quarante mètres linéaires que Jacques-Gabriel Foucqué, ancien archiviste des bénédictins et du département d'Indre-et-Loire, réorganise grossièrement de septembre 1831 à octobre 1832. Sa mission terminée, les archives retournent "l'état sauvage". Aucun emploi d'archiviste n'est prévu dans une administration municipale d'ailleurs très réduite.

Les "écuries d'Augias"


En 1842, une première circulaire ministérielle impose un cadre de classement thématique unique pour les archives municipales. Ses prescriptions ne sont pas mises en oeuvre faute de place : Nous manquons absolument d'un local spécial pour le dépôt des divers objets assez nombreux dont les archives se composent, écrit le maire d'Angers à son collègue de Nantes en 1844. Après 1855, les Archives prennent place dans les combles de l'hôtel de ville dont l'aménagement définitif vient d'être achevé. Elles y resteront jusqu'en 1980. De 1858 à 1861, Célestin Port - archiviste du département - classe les documents antérieurs à la Révolution et en publie l'inventaire, imprimé à deux cent cinquante exemplaires. Il s'en servira beaucoup pour l'édition de son Dictionnaire historique et géographique du Maine-et-Loire. Le maire, René Montrieux, songe à lui confier les archives du XIXe siècle, mais le projet n'a pas de suite.

Cependant Angers n'a toujours pas d'archiviste en titre. Il faut attendre la nomination par le maire Jules Guitton d'un notaire honoraire, Louis Aubert, en 1881. C'est le premier archiviste en titre après ces trois archivistes "contractuels". Avec énergie, il s'attelle au classement des archives postérieures à la Révolution et organise pour la première fois les versements de façon moderne. Le 27 mars 1882, il écrit au maire : Je commence à sortir du chaos. Mais le nettoyage des écuries d'Augias, selon sa propre expression, reste inachevé : un différend avec le premier adjoint le pousse à la démission (1885). Les fonctions d'archiviste sont conservées dans l'organigramme de la mairie d'autant que la loi du 5 avril 1884, organisant l'administration municipale, faisait des frais de conservation des archives une dépense obligatoire pour les communes. Toutefois ces fonctions sont assimilées à celle d'un simple agent de bureau qui consacre l'essentiel de son temps à des tâches de secrétariat et de distribution de fournitures aux employés. Divers employés se succèdent à une cadence rapide au bureau des Archives. Dépourvus de formation, ils s'enlisent dans les dossiers.

Le service Archives-Documentation


Entre 1932 et 1940, l'archiviste départemental Jacques Levron tente un classement des archives du XIXe siècle, sans avoir lui non plus le temps de le mener à bonne fin… et les Archives retombent en léthargie. En 1966, le service est définitivement constitué. D'après un rapport de 1972, quatre cents documents ont été communiqués au public cette année-là. Déménagées dans les nouveaux bâtiments de l'hôtel de ville en avril 1980, les Archives d'Angers sont classées en 1983 parmi les postes de "première catégorie" et le service Documentation lui est adjoint. L'année suivante, un archiviste-paléographe y est recruté. Aujourd'hui, le service ne cesse d'évoluer. De nouvelles attributions lui ont été confiées en février 1996 : la revue de presse quotidienne (rattachée au secteur documentation) et la gestion des photographies de la ville, d’où son nouveau nom de service Archives-Documentation-Photothèque. La mémoire de la ville compte aujourd'hui quatre kilomètres et demi de documents et plus de 300 000 photographies.