Histoire des institutions municipales : du maire aux ordres... au maire élu

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 186, mai 1995


L'histoire des institutions municipales, depuis 1789, laisse voir bien des systèmes électoraux différents.


La première grande loi municipale de l'histoire de France, votée le 14 décembre 1789, uniformise les situations acquises au cours des siècles : chaque communauté désormais, ville ou village, forme une commune dirigée par une municipalité élue dont le chef portera le nom de maire. Les électeurs, âgés d'au moins 25 ans, n'étant pas domestiques et payant une contribution correspondant au minimum à un salaire de trois journées de travail, élisent un corps municipal et une assemblée de notables parmi ceux d'entre eux qui payent un impôt équivalent à dix journées de travail. Les villes de 25 000 à 50 000 habitants (Angers compte 30 000 habitants) auront un corps municipal composé de quinze officiers, auquel est adjoint un corps de notables deux fois plus nombreux, réuni - en cas d'affaires importantes - avec le corps municipal pour former le conseil général de la commune.

Les conseillers municipaux choisissaient un tiers de leurs membres pour former le bureau chargé d'administrer les affaires de la commune. Le maire est élu directement par les citoyens actifs. Il n'est que le président du bureau, sans lequel il ne peut prendre aucune mesure.

Les officiers municipaux sont élus pour deux ans et renouvelés par moitié chaque année. Le sort désigne les sortants. Le maire reste en charge deux ans. Il est rééligible une fois, mais doit ensuite laisser passer deux ans pour pouvoir se représenter.

Les premières élections municipales ont lieu en février 1790. Une fois élu, le maire doit prêter serment. Le 20 mars, l'Assemblée nationale crée un insigne distinctif des fonctions municipales : l'écharpe aux trois couleurs de la Nation, attachée d'un noeud et ornée d'une frange de couleur d'or pour le maire, d'argent pour les officiers municipaux.

A partir de novembre 1792, le suffrage universel est institué et les séances du conseil municipal sont déclarées publiques. Cela ne dure pas : la constitution de l'an III (août 1795) impose le retour au huis clos, qui sera de règle jusqu'en 1877, mais surtout transporte les administrations municipales au chef-lieu du canton : les 44 000 municipalités sont regroupées en 10 000 entités cantonales. À leur tête siège, non plus un maire, mais un président, élu par l'ensemble des hommes du canton. Pour plus de sûreté, il est doublé par un commissaire du Directoire, nommé par le gouvernement.

Un instrument du pouvoir central

L'appellation de maire est reprise par la deuxième grande loi municipale, du 17 février 1800 (28 pluviôse an VIII) qui les transforme en fonctionnaires du gouvernement, nommés pour cinq ans par le premier Consul dans les communes de plus de 5 000 habitants, ainsi que les adjoints. Le maire peut être choisi en dehors du conseil municipal. Aucune rétribution n'est prévue, ce qui réserve toujours la fonction aux notables. Il faut attendre 1942 pour que soit accordée une indemnité. Le maire est seul chargé de l'administration municipale. Les conseillers n'ont qu'un rôle consultatif. C'est la fin de la conception collégiale du pouvoir instituée en 1790. Le costume change aussi : habit bleu à boutons d'argent, triple liséré brodé en argent, ceinture rouge à franges tricolores, épée au côté. Les conseillers municipaux sont choisis sur une liste de notabilités.

Nouvelle révolution : nouvelle loi électorale, le 21 mars 1831, mais peu de changements. Le maire et les adjoints continuent à être nommés par le roi. Seule concession : ils sont choisis obligatoirement parmi les conseillers municipaux élus pour six ans. Les électeurs doivent avoir plus de vingt et un ans et être pris parmi les plus imposés de la commune (dans une proportion de treize pour cent pour des villes de la taille d'Angers). On leur ajoute un certain nombre de "capacités" : magistrats, fonctionnaires, officiers, membres de sociétés savantes…

La Révolution de 1848 permet de faire l'expérience du suffrage universel masculin. Cependant les maires des communes de plus de 6 000 habitants sont encore nommés (décret du 3 juillet 1848).

1852. Retour en arrière. Maires et adjoints sont nommés par le pouvoir exécutif et pourront être choisis en dehors du conseil municipal, élu quant à lui au suffrage universel. La nomination par le pouvoir central est confirmée par la loi du 5 mai 1855. À défaut d'avoir beaucoup de pouvoirs, le maire porte un riche costume bleu, brodé d'un feuillage d'olivier en argent, gilet blanc, pantalon bleu ou blanc, chapeau à plumes noires, épée à poignée de nacre, écharpe tricolore.

La grande loi

À la suite de la proclamation de la République, les maires de l'Empire sont écartés. Le gouvernement nomme des présidents de commission. Le 4 avril 1871, une loi municipale transitoire est adoptée, réservant - sur l'intervention de Thiers - au gouvernement la nomination des maires dans les chefs-lieux de département, d'arrondissement et dans les communes de plus de 20 000 habitants. Suit une période de ballottage où, suivant que les royalistes gouvernent ou non, le maire est nommé ou élu.

Le triomphe du régime républicain conduit à l'adoption définitive du système de l'élection du maire par les conseillers municipaux dans toutes les communes, sauf à Paris (loi du 28 mars 1882), préfiguration de la quatrième grande loi municipale, qui fait partie du grand ensemble législatif voté par la IIIe République (lois scolaires, sur la presse, la liberté d'association…), votée le 5 avril 1884. Elle confirme l'élection du maire par les conseillers municipaux élus au suffrage universel (masculin). Le vote a lieu au scrutin secret et à la majorité absolue. Conseil municipal et maire sont élus pour quatre ans. Le maire doit exécuter les décisions du conseil municipal. Enfin, depuis mai 1877, les débats des conseils municipaux sont publics. C'est pourquoi ils sont imprimés à Angers à partir de cette date.

Pour les premières élections qui suivent la guerre en 1919, le mandat des conseillers municipaux est porté jusqu'en mai 1925. On revient à un mandat de quatre ans entre 1925 et 1929, mais la loi du 10 avril 1929 porte définitivement le mandat municipal à six ans.

Les maires restent sous la tutelle préfectorale jusqu'à la loi dite de décentralisation du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, qui supprime la tutelle administrative et confie aux maires de nouvelles responsabilités. Entre temps, depuis 1945, les femmes ont accédé au suffrage universel et aux fonctions municipales.