Temps modernes

Création de la mairie

Après le départ de René d'Anjou pour la Provence, Louis XI s'empare du duché en 1474 sous prétexte que l'apanage doit faire retour à la couronne en l'absence d'héritier mâle direct. Pour se concilier la bourgeoisie angevine, il lui accorde la grande charte communale de février 1475 qui crée la mairie, composée d'un maire, de dix-huit échevins et de trente-six conseillers, d'un procureur et d'un clerc. Tous seront élus à vie, sauf le maire, élu pour trois ans. Cependant, Louis XI impose le premier maire, Guillaume Cerisay.

Des droits de police et de justice sont conférés à la municipalité. Pour sceller ses actes, elle reprend à son compte les emblèmes, figurant déjà au XIIIe siècle sur des monnaies frappées au coin du comte Charles Ier d'Anjou (1246-1285) : l'écu chargé d'une clef en pal, accostée en chef de deux fleurs de lys. Ce sont encore les armoiries actuelles. La ville se voit attribuer les revenus de la cloison, à condition de les employer exclusivement à l'entretien des fortifications. Elle est exemptée de taille, de gabelle, de service armé. La charte indique explicitement que les privilèges reçus sont identiques à ceux de La Rochelle. Quant aux membres du conseil de ville, ils reçoivent tous les privilèges dévolus à la noblesse. 

La Renaissance

La fin du XVe siècle et les cinquante premières années du siècle suivant sont prospères. Angers se classe parmi les seize plus importantes villes du royaume d'après un état des contributions à fournir pour la solde des « gens de guerre à pied » daté de 1538. Les marchands angevins, présents aux foires de Lyon et de Genève, expédient vers Paris et Orléans, mais aussi vers les grands ports de l'Atlantique (Nantes, La Rochelle, Saint-Malo) les produits de la province : toiles, vins, ardoises, tuffeaux. Le peintre Adam Vandelant donne le premier « plan » de la ville en 1576, sous forme d'une vue cavalière.

De riches constructions en pierre s'élèvent dans la ville de bois : l'université ; le logis Barrault en 1493-1495 dans le goût flamboyant ; l'hôtel des religieux de Saint-Nicolas (dit des Pénitentes depuis 1640) ; l'hôtel de ville ; le délicat hôtel Renaissance élevé pour Jean de Pincé… 

Après Strasbourg, Paris, Lyon et Toulouse, Angers est la cinquième ville de France où s'installe une imprimerie (1476). Les études sont florissantes. L'université forme de grands juristes, comme Guillaume Poyet, futur chancelier de François Ier et auteur de l'ordonnance de Villers-Cotterêts. Ambroise Paré fait une partie de ses études à la faculté de médecine. Clément Janequin est membre de la psallette de la cathédrale pendant dix ans (vers 1530-1540). C'est aussi le moment où l'on se passionne pour le théâtre : en 1486, Jean Michel, docteur-régent de la faculté de médecine, fait représenter sa composition le Mystère de la Passion, en 65 000 vers. Charles de Bourdigné, frère du premier historien de l'Anjou Jean de Bourdigné, compose en 1531 La Légende joyeuse maistre Pierre Faifeu qui inspirera Rabelais pour Gargantua.

Guerres, épidémies, famines

Avec les querelles de religion, l'atmosphère change. Sans être sur le front des guerres, la ville en subit le contrecoup avec les passages répétés des armées se dirigeant vers le Poitou ou La Rochelle (par exemple lors du siège de 1573). La religion réformée avait obtenu du succès à Angers puisqu'une église réformée s'y organise en 1555, la deuxième de France. Les protestants s'emparent même de la ville pendant un mois (avril-mai 1562). La répression ne se fait pas attendre : cinquante protestants sont exécutés, 244 condamnés à mort par contumace. La Saint-Barthélemy angevine, le 29 août 1572, organisée par le gouverneur de Saumur, le comte de Montsoreau, est arrêtée grâce aux magistrats municipaux. 

Lorsque la mort de François d'Anjou fait d'Henri de Navarre l'héritier présomptif du royaume, les catholiques angevins se regroupent derrière Henri de Guise. Pour éviter que le château ne tombe aux mains de la Ligue, Henri III donne l'ordre en 1585 de détruire tout le côté nord, mais le gouverneur Donadieu de Puycharic se contente habilement d’en découronner les tours pour y ménager les plates-formes nécessaires à l'artillerie moderne.

 

À l'avènement d'Henri IV, une majorité d'Angevins se trouve encore du côté de la Ligue. Dans son Journal, le clerc au présidial Louvet qualifie toujours Henri IV de « roi de Navarre ». Seule sa conversion au catholicisme et surtout son séjour de plus d'un mois dans la ville en mars-avril 1598, véritable opération de charme, le ramènent dans le coeur des Angevins. C'est pendant ce séjour que l'édit de pacification signé à Nantes est préparé.

Le premier quart du XVIIe siècle est une période de répit pendant laquelle les fondations religieuses se multiplient (treize au total) mais, coup sur coup, une grave épidémie de peste (1626) et de grandes famines (1630-1631, 1661-1662) laissent la ville diminuée. À la suite de l'épisode mouvementé de la Fronde (1649-1651), à laquelle Angers s'associe, le privilège de libre élection du conseil de ville est supprimé. C'est la mise en tutelle.

XVIIIe siècle en demi-teinte

Le redressement est très lent. Le niveau de population de 1650 (environ 32 000 habitants) n'est retrouvé qu'au début du XIXe siècle. En 1769, les échevins font procéder à un recensement nominatif de toute la population, document exceptionnel qui donne une image précise d'Angers : 25 044 habitants occupent 4 116 maisons. Seize paroisses se partagent la ville qui compte cinq abbayes, huit chapitres, trois hôpitaux, quarante-sept églises sans y comprendre les chapelles.

La vie économique manque d'ampleur, malgré plusieurs efforts dans le domaine du textile (les indiennes), des sucreries et des ardoisières. Le commerce ne se développe pas et les fortunes restent modestes. On comprend alors que la ville n'évolue guère dans son cadre de vie, encore gothique. Seule construction remarquable : l'Académie d'équitation (1753-1761) fréquentée par un grand nombre d'Anglais et d'Irlandais. Quelques particuliers font élever de beaux hôtels dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. Quant aux échevins, ils n'ont que des velléités, pas de programme d'urbanisme comme à Nantes, et surtout le désir de garder les vieilles fortifications qui leur semblent indispensables à la levée de la cloison.

La vie culturelle en revanche est active. L'Académie royale des Sciences et des Belles-Lettres est créée en 1685 sur le modèle de l'Académie française, mais avec seulement trente membres. En 1761 est fondé un bureau d'Agriculture à l'initiative du marquis de Turbilly, un théâtre est ouvert place des Halles en 1763, le premier journal hebdomadaire, les Affiches d'Angers, voit le jour en 1773, les mélomanes se regroupent au sein d'une société de concerts. La Société des Botanophiles crée un jardin botanique rue Bressigny.