Expo Industries - Géographie industrielle

Exposition "MARQUES DE FABRIQUE... FABRIQUES DE MARQUE"

Trois cartes pour une géographie industrielle

Trois cartes présentent la répartition des industries sur le territoire angevin en 1830, 1907 et 2007. On y observe le phénomène de la goutte d’eau qui tombe sur un lac : d’abord concentrée sur un cercle restreint de rues du centre-ville, l’industrie gagne la périphérie par cercles concentriques de plus en larges, jusqu’aux dix-sept zones d’activités actuelles, de La Membrolle à Pellouailles et Mûrs-Érigné.

1830

En 1830, l’industrie angevine n’en est qu’aux balbutiements. En dehors des industrielles traditionnelles - ardoisières, fours à chaux, cordages et textile - il s’agit plutôt d’artisanat, localisé dans des ateliers de centre-ville, rues Saint-Aubin, Baudrière, de la Boucherie (future rue Plantagenêt), Saint-Laud… ; dans la Doutre, rues de la Tannerie (tanneurs et chamoiseurs) et Saint-Nicolas. La fabrication des liqueurs - activité microfamiliale - illustre bien la situation de « l’industrie » à cette époque.

 

Selon un rapport de la Société industrielle, en 1843 encore, « les Angevins […] ne se sont guère signalés […] par ce tempérament aventureux, énergique, opiniâtre ou cette fougue impétueuse qui […] a caractérisé les peuples du nord et du midi. […] Ils sont demeurés tranquilles et heureux […]. Dans un pays où les habitudes héréditaires recherchent le bien-être et l’aisance dans la culture des terres, où la richesse dort dans le farniente des jouissances de la propriété, les spéculations commerciales ne sont accueillies qu’avec doute et méfiance […]. Si des revers viennent donner un démenti aux calculs de l’homme qui invente ou de celui qui ose, le découragement et le blâme arrêteront un nouvel essor et l’on restera stationnaire par excès de timidité et de prudence ».

 

Toutefois, peu avant 1830, un îlot industriel nouveau apparaît dans l’île des Carmes, placée au noeud des communications terrestres et fluviales. C’est la première « zone industrielle » d’Angers avec deux superbes minoteries, une raffinerie de sucre de betterave, distillerie, féculerie, huilerie, filature de laine, trois filatures de coton, trois brasseries de bière, une salpêtrerie, des ateliers de mécanique, des fabriques de chapeaux… Ces ateliers commencent à adopter la force motrice de la vapeur.

1907

Le développement industriel d’Angers, entre 1840 et 1914, est axé sur les industries traditionnelles, liées aux richesses extractives et agricoles. La ville ne connaît pas de « révolution » industrielle dans la nature des productions, mais seulement dans les moyens, avec la généralisation progressive du machinisme. D’anciens secteurs d’activités, comme la poterie d’étain, se maintiennent. Les grands pôles économiques restent les ardoisières - dont le centre d’exploitation est désormais principalement concentré sur le territoire de Trélazé - les filatures et corderies fondées sur l’importante production de chanvre de la vallée de la Loire et le textile.

Filatures, corderies et textile ont besoin de beaucoup plus d’espace, d’où un premier déplacement des industries à la périphérie de la ville d’alors : quartier du Mail, Saint-Serge, Ecce-Homo, rue de la Madeleine… Les établissements Bessonneau en particulier prennent une extension considérable entre l’avenue Jeanne-d’Arc, la rue Larévellière et la voie ferrée. En général, les entreprises s’établissent par commodité sur les grands axes de  circulation : rues de la Chalouère, Dupetit-Thouars, de Létanduère, de la Madeleine…

Le quai Ligny, mais surtout l’îlot Thiers-Boisnet et Saint-Serge sont les quartiers industriels de l’époque : filature Carriol-Baron à l’ancien hôtel de la Besnardière, puis manufacture de parapluies Lafarge, cartes à jouer Dieudonné, machines agricoles Beauvais-Robin, filature du Cordon bleu (à l’emplacement de l’usine à gaz), corderie puis scierie mécanique du Pré-Pigeon… Les industries s’étendent plus au nord : tour à plomb, fours à chaux, Grands Moulins, Verreries mécaniques de l’Anjou, ardoisières du Doyenné et mines de fer du Pavillon.

Dans la Doutre, il ne reste de la glorieuse époque de 1830 - et avant les importantes créations du Ferro-Laiton en 1920 et de Zig-Zag en 1921 - que les fonderies et constructions mécaniques Laboulais (boulevard de Nantes) et la bonneterie Lafond, Foy et Fouillet (future Excelsa). Les tanneries du bord de Maine disparaissent, remplacées par  celles de Seiches et de Châteauneuf-sur-Sarthe. De nouvelles industries se créent, comme des usines de chaussures. En 1900, le chiffre d’affaires de la manufacture Hamard atteint le million de francs en 1900. L’industrie de la chaussure, qui va devenir une spécialité des Mauges, naît à Angers en 1856. Elle devient si importante qu’Angers figure parmi les principales villes « chaussantes » de France avant 1914. Elle est réputée pour sa chaussure « bourgeoise », solide et bien finie, dite « des Bords de la Loire ».

L’industrie agroalimentaire prend un grand essor à partir du riche terroir angevin : liqueurs Guéry, Cointreau, Rayer, Giffard… Toujours à partir de l’agriculture se développent les machines agricoles Beauvais-Robin, la fabrication des produits vétérinaires, des engrais. Les Verreries mécaniques de l’Anjou naissent en 1913 pour répondre à la demande des nombreux liquoristes et viticulteurs.

Quelques autres industries nouvelles voient le jour : parapluies (dont Angers devient l’une des principales capitales), cartes à jouer Dieudonné (venues d’Orléans), manèges et matériels pour forains de l’Avignonnais Bayol, allumettes chimiques, plomb de chasse. Après 1880, on assiste au développement d’un nouveau secteur, le mobilier, où Angers acquiert la même réputation que pour les toiles ou les bâches.

 

2007

La première partie du XXe siècle est assez terne, mais diverses initiatives sont cependant à noter. Elles introduisent un peu de diversification dans une économie mono-industrielle dominée par l’empire Bessonneau qui a non seulement concentré la plupart des filatures et corderies angevines, mais encore ouvert une aciérie et une tréfilerie-câblerie ; économie dominée également par un grand nombre de manufactures de vêtements. La chaussure, quant à elle, ne résiste pas à la crise des années trente.

Les familles Poupart, Petiteau, Moreau, Fourré, puis Guinel sont particulièrement actives avec la création de la Société angevine de fabrication industrielle et mécanique (SAFIM) pour la production d’articles variés en métal, de la Société angevine d’exploitation, Travail et Étuvage du Bois, ainsi que d’une autre entreprise, mais dans la région parisienne. Elles sont enfin à l’origine, avec les établissements Lafarge, de la création de l’usine du Ferro-Laiton, chargée notamment de fournir en éléments métalliques les fabricants de parapluies. Tout à côté s’établit la manufacture de papier à cigarette Zig-Zag, usine appartenant aux anciens établissements Braunstein frères.

Parmi les entreprises de construction mécanique, l’atelier Trosseille se distingue - mais surtout après 1945 - par ses perceuses-foreuses, très connues des grandes entreprises. Issue de cette spécialité de métallurgie et mécanique, la société de La Goupille Cannelée, est fondée par Louis Cesbron, déjà promoteur d’une très belle entreprise de matériel de meunerie, rue Dacier, dans la Doutre. Une autre initiative est due au Tourangeau Henri-Joseph Bayon : l’implantation de l’Aiglon, bientôt célèbre pour ses ceintures, bretelles et accessoires de luxe, mais aussi pour ses ceintures de sécurité, inventées par Patrice Bayon dans les années cinquante et fabriquées par Sécuraiglon.

La fin de l’empire Bessonneau dans les années cinquante rend obligatoire une politique volontariste d’industrialisation, à la faveur de la décentralisation industrielle pratiquée par l’État. Préfecture, chambre de commerce et d’industrie, comité départemental d’expansion et municipalité unissent leurs efforts.

L’achat par la Ville d’Angers de l’ancienne filature Buirette et Gaulard de la Brisepotière en 1953, pour un tout autre programme, en forme le point de départ. Par le hasard des sollicitations de deux entreprises, elle devient la première usine-relais d’Angers, avant la lettre. Le conseil municipal note que « l’installation à Angers de nouvelles entreprises industrielles est pour la ville d’importance primordiale au point de vue économique et social. Il est donc nécessaire d’aider, au maximum les entreprises en cause » (délibération du 28 décembre 1953).

En 1954-56 est lancée la première zone industrielle, de la Croix-Blanche, suivie par celles de Saint-Serge, d’Écouflant, de Saint-Barthélemy, de Beaucouzé... En 1977 apparaissent les couveuses d’entreprises, en 1985 les centres d’activités, en 1988 les pépinières d’entreprises de la Technopole, puis les parcs scientifiques de Belle-Beille et des Capucins. La politique d’immobilier d’entreprise de la ville est récompensée par le trophée de la création d’entreprise 1987 décerné par le mensuel… « L’Entreprise ».

De 1957 à 1975, plus d’une trentaine de sociétés s’installent à Angers, dont certaines très importantes : Thomson, Jouveinal, Bull… La crise économique, à partir de 1974, ralentit ces implantations et conduit à certaines fermetures qui font du bruit, comme celles de Catlin, de Braud ou d’International Harvester. Mais parallèlement se conforte un tissu riche et diversifié de PME, souvent créées par des ouvriers ou des cadres licenciés. Dans les années 1985-1995, d’autres implantations industrielles compensent le creux des années soixante-dix. Actuellement, les menaces sur certaines activités industrielles sont heureusement compensées par les réussites des secteurs électronique, agroalimentaire, logistique, des biotechnologies et du recyclage, sans parler du pôle végétal.