Les Archives municipales du XVe au XVIIIe siècles

Chronique historique

par Sylvain Bertoldi, conservateur en chef des Archives d'Angers

Vivre à Angers n° 175, avril 1994

Les archives des villes datent du développement des libertés communales. Dès lors qu'elles constituent des entités particulières, les villes conservent privilèges et actes administratifs pour prouver leur "bon droit" et appuyer leur action.

 

En février 1475, Louis XI accorde à Angers le droit de se gouverner librement en créant la mairie, composée d'un maire, de dix-huit échevins, de trente-six conseillers, d'un procureur et d'un clerc.

Le clerc - appelé par la suite greffier - est "garde des archives". Mais sa principale tâche est d'assurer la correspondance de la ville et la tenue des registres des délibérations. Ainsi sont liées - et pour longtemps - les fonctions de secrétariat et de conservation des archives. Les documents sont renfermés dans un grand coffre. On y place les registres des délibérations dont la série commence en 1479, les comptes, les titres. Une triple serrure, dont les clefs sont partagées, en assure la sécurité.

Premier inventaire


Un inventaire des documents est décidé en 1506, confié seulement au greffier en 1519 : "Inventaire se doibt faire par le greffier de ceans desdictes lectres et autres lectres estans es coffres et arches de ladicte maison de ville" (délibérations, BB 17, f° 55 r°). Le 14 novembre 1533, le conseil renouvelle la commission pour le classement des archives. Une indemnité est cette fois allouée au greffier avec obligation d'achever l'inventaire avant le premier janvier 1534. Ce qui est fait. Les archives sont alors dans le grand coffre déposé chez le concierge de la mairie et dans des armoires au grenier. Le 19 janvier 1537, elles sont installées, du moins en partie, dans la chambre même du conseil.

Tribulations

De ce premier inventaire subsiste un fragment de vingt-deux feuillets. Les titres de la ville y sont largement résumés et cotés par lettre alphabétique sans être classés dans un ordre chronologique. Les bouleversements des années 1560-1590 réduisent tout cet effort à néant. En 1623, le greffier constate que vingt volumes des registres de délibération ont été distraits des collections. Le conseil ordonne donc la confection d'armoires. Décision sans suite : les archives restent une proie pour les rats qui infestent les greniers de l'hôtel de ville, place des Halles (= Louis-Imbach).

Le 7 mai 1647, les échevins décident de faire dresser un "inventaire solennel de tous les tiltres" qui, à chaque changement de maire (tous les deux ans), devra être vérifié par une commission spéciale. Le greffier ne devra plus délivrer de pièces originales sans récépissé. Des armoires et placards fermant à clef seront établis dans la salle des armes. Malheureusement, les troubles de la Fronde (1649-1651) et des déménagements répétés occasionnent un si grand désordre que, dès 1670, il n'est plus possible d'y rien retrouver. L'administration de la ville est entravée. À situation critique, grandes mesures. Un clerc du présidial (le palais de justice) nommé Chouinière s'offre à reclasser les archives moyennant 1 500 livres, mais le maire fait observer que les secrets du conseil ne doivent pas être révélés à un étranger.

On prie donc en 1715 le greffier de l'hôtel de ville, tenu à la discrétion "par le devoir de sa charge", de réaliser cet inventaire… pour 1 000 livres. En 1735, le greffier Simon dresse à nouveau un inventaire, plus fiable que le précédent et toujours conservé aux Archives. L'ouvrage comprend deux volumes suivant la situation matérielle des archives au greffe : l'un concerne l'armoire "aux armes de M. Boucault" et l'autre les tiroirs de bois de chêne, autrement dit les layettes.

L'archiviste Fombeure et le relieur Tripier


Malgré tout, le désordre s'installe encore dans le "trésor" de la ville et l'on charge en 1773 - nouveau Sisyphe - le secrétaire-greffier Bancelin d'y remédier avec l'aide qu'il souhaitera. Un archiviste contractuel est recruté : Fombeure. Le 2 janvier 1775, il a déjà passé deux cent une journées au classement et ses deux aides, cent quarante. En 1779, le travail n'est qu'aux trois quarts achevé mais la ville lui alloue 1 800 livres sur l'allocation de 3 200 livres prévue dans le traité initial.

Cette même année, le relieur Tripier travaille à relier registres des délibérations, comptes et pièces justificatives, mais au lieu d'être recouverts de parchemin blanc comme le prévoyait la délibération du 23 juillet 1779, du parchemin de récupération (pages de vieux antiphonaires…) est utilisé. Les titres quant à eux forment un ensemble de cent cinquante et un volumes reliés en pleine basane aux armes de la ville accompagnés d'une table des matières en onze volumes constituant l'index général sous le nom de "cartulaire analisé". Trois ans avant la Révolution (août 1786), l'inventaire est à peu près achevé. De nouveaux changements s'annoncent qui tireront un trait sur l'intérêt politique de ces archives (les privilèges accordés anciennement deviennent sans objet) pour leur donner, après un temps d'oubli, toute leur valeur historique.